Écrivain, l’âme en plein chaos, une liaison bancale avec sa voisine et un fils peu fréquentable, il décide de partir loin, très loin, et l’avion le mènera en Inde, à Pondichéry précisément, espérant trouver là-bas une sorte de refuge, un repère car il n’est pas sans ignorer que beaucoup de Français s’y trouvent établis… Est-ce là la solution pour apaiser ses tourments et le rendre plus fort, le sortir de cette crise qui pèse lourd sur son cœur ?
L’auteur balaye devant lui tour à tour sa vie familiale, avec tout ce qu’elle comporte de néfaste, à commencer par un fils qui ne veut rien entendre, désinvolte, qui n’est que source de problèmes, et aussi l’amour qu’il fuit un peu par faiblesse, un peu par lâcheté.
Bref, l’auteur, quadragénaire, est en pleine dégringolade, en plein renoncement et cela se sent du début à la fin du récit.
Un récit qui traite de la faiblesse masculine allant jusqu’à la veulerie, de la fragilité des liens familiaux. Au fil de la balade, on croise çà et là des fragments de vie qui nous entraînent dans les arcanes d’une société à la dérive et on se promène dans les rayons des hypermarchés bondés, tandis que l’on croise les trottoirs garnis d’ados larvaires qui n’ont plus le sens de l’émerveillement et qui s’acharnent à se dévoiler sur Facebook sans jamais lever le nez de leur clavier.
Ainsi, l’auteur nous attire sans ménagement vers sa mélancolie et l’œil larmoyant l’on finit par imaginer que la vie c’est donc cela, une chute vers un abîme duquel on a du mal à émerger, même à force de s’agripper.
L’auteur nous livre aussi un portrait de l’homme d’aujourd’hui, celui dénué de pôles d’intérêt, se contentant des banalités du quotidien, allant des courses ménagères à l’usage intensif du clavier à des fins futiles, un homme juste courtois, pour éviter l’affrontement, un homme juste correct, mais retors, voire sournois …
Certes, l’auteur use et abuse à merveille de descriptions loufoques et amusantes des objets de la vie quotidienne et le fait avec un humour mouillé d’acide, mais il sombre rapidement dans une satire féroce qui touche l’humain victime de son environnement … Mais à qui la faute ?
Autant « Tu verras », bien qu’allant dans le même sens de pensée de l’auteur, m’avait enthousiasmée – et j’avais d’ailleurs déposé un billet élogieux ici-même – autant ce roman-ci me laisse de l’amertume …
La ligne de courtoisie par Nicolas Fargues, éditions Pol
Date de parution : 12/02/2012
Article publié par Catherine le 29 mars 2012 dans la catégorie
vin de table
Hugo est un tueur. Il agit à la solde d’Esteban, homme d’affaires de “haut niveau”, à la cupidité insatiable, qui utilise dès qu’il le faut la violence envers les adversaires.
Un soir, Hugo est envoyé pour “aplanir une difficulté” ; il tue un homme.
Celui-ci était accompagné d’un jeune chien : il se prend soudain d’affection pour l’animal et l’adopte. Dans le même temps, il se laisse émouvoir à la lecture d’un livre et décide d’éveiller désormais sa conscience morale.
La chose n’étant guère plausible de la façon dont elle est amenée, cette “naïveté” semble un parti pris de l’auteur, pour créer une fable philosophique…
Celle-ci soulève beaucoup de questions mais ne marque pas par ses qualités artistiques : noyée dans des réflexions assez banales, elle prend des allures de démonstrations.
L’auteur tenait pourtant de bonnes intentions, et j’apprécie le basculement dans l’absurde amorcé à la page 93. Que le vin mûrisse !
Martine
Le chien de Don Quichotte – Pia Petersen. Éditions la Branche
Date de parution : 29/03/2012
Article publié par Martine le 27 mars 2012 dans la catégorie
vin de table
En un clin d’œil, rien qu’à voir la couverture, on devine tout de suite que ce livre-là n’est pas comme les autres… Il s’agit d’un recueil de nouvelles… Du jamais lu.
Une machine à café qui refuse de fonctionner. Elle semble s’être rebellée… Il faut aller au supermarché en acheter une autre. Mais que se passe-t-il ? Certains objets fuient, une machine dénommée Supra-Café X21 s’accroche aux pieds des clients, semblant supplier qu’on l’emmène…
Un couple est invité à une soirée. Ils arrivent complètement nus. Mais plus étrange encore, ils ne semblent pas réaliser leur état. Leurs hôtes, d’abord mal à l’aise, jouent le jeu…
Le ministre l’a décrété : il faudra au moins une bonne nouvelle au JT. Mais voilà, quelques minutes avant le début du programme, toujours rien, tout va au plus mal ! Comment les journalistes vont-ils remédier à cet épineux défi moral ?
Un jeu télévisé basé sur la délation au dernier degré. Les candidats doivent trahir leurs proches, et avec le plus d’audace possible… Un jeune homme dénonce ses parents, sa femme, son fils… Jusqu’où peut aller la télé-réalité ? Très loin, comme le démontre l’auteur…
Une ligne de chemin de fer aux horaires farfelus, aux destinations inconnues. L’on n’y prend pas d’aller- retour, seulement des allers simples…
Un couple étrange, le mari a préparé pour le repas… les membres du voisin… Il s’apprête à faire de même avec le fils du garagiste, au grand bonheur de celui-ci.
Les oiseaux sont devenus les rois du monde… Mais l’un d’eux est écrasé par un homme dans un accident. Celui-ci devra comparaitre devant un tribunal sévère…
Voilà les thèmes abordés dans ce recueil. Toutes ces curieuses aventures se déroulent sur un ton léger en apparence, volontiers ironique. L’auteur semble s’être beaucoup amusé, et l’ambiance qu’il dessine lentement finit par nous prendre, nous étonner et même nous faire rire. Mais attention, sous la légèreté se cache une sombre gravité, un certain surréalisme, parfois à peine exagéré, comme par exemple dans la nouvelle intitulée “Pas de nouvelle”. On n’a pas de mal à imaginer qu’un président de la république décrète qu’il faudra une bonne nouvelle chaque soir (le dernier Ppda, “Rapaces” montre l’influence du chef d’État dans les media). De même pour “Récréation”, sorte de télé-réalité extrême, mais finalement assez convaincante, compte tenu des dérives actuelles. D’autres textes sont plus audacieux, ou disons plus irréels, comme ces oiseaux maîtres du monde ou les objets qui se rebiffent. Mais dans tous les cas, il y a toujours un rapport au monde actuel, une sorte de déformation de nos excès, jusqu’à les rendre loufoques, mais avec un fond de réalisme. On touche sans doute à la dystopie… Peut-être l’auteur veut-il nous mettre en garde, et nous montrer ce qui risque de nous arriver par l’exemple. C’est très réussi globalement, même si l’auteur aurait pu, peut-être, aller un peu plus loin… Mais j’ignore dans quel sens. Il a manqué parfois d’un rien pour emporter mon enthousiasme. Mais tel est la caractéristique de tout recueil, chaque texte est différent, et touche plus ou moins le lecteur.
Nouvelles à ne pas y croire – Fabien Maréchal. Éditions Dialogues
Date de parution : 09/02/2012
Article publié par Noann le 26 mars 2012 dans la catégorie
Grand vin
Antoine, 37 ans, se remet difficilement de sa séparation d’avec Alice et essaie de se consoler tant bien que mal dans les bras de Laurence, sa nouvelle femme. Dans la vie déchirée d’Antoine, il y a Mouna, 88 ans, sa grand-mère et confidente de toujours, qui vit en maison de retraite un quotidien de plus en plus pesant, une fin qui s’annonce insidieusement…
Puis un jour, las d’essayer de reconstruire sa vie sans Alice, Antoine décide de s’occuper plutôt de Mouna, elle qui a toujours été son soutien, son refuge, son amie de toujours, une grand-mère d’exception. Et il l’emmène à la mer. Les voici donc en route vers leur lieu de vacances d’antan, la Normandie. Ensemble ils auront des échanges forts, intéressants et Antoine se rend compte combien Mouna, terrorisée par l’approche de la mort, va tout faire pour s’occuper de lui, de sa vie, de son avenir amoureux et familial, tant et si bien qu’elle en oublie la pénombre, la noirceur de ses souvenirs…
À deux, ils vont tourner en dérision leurs coups de blues, leurs blessures intérieures et avancer vers l’horizon, pour l’un plus bleu que jamais pour l’autre simplement gris clair, oubliant les nuages jadis nombreux.
Un roman imprégné de nostalgie, un tantinet désillusionné, mais tellement touchant, tellement empreint de douceur et de sensibilité.
Le lecteur se réjouit aussi de cette invitation à une belle balade le long des paysages désolés de Normandie, délicatement baignés par un soleil ténu et mais un ciel bleu intense…
L’émotion m’a envahie tout au long du récit me conduisant même à fermer le livre une petite larme à l’œil…
« Mouna m’a piqué une cigarette et fume la fenêtre ouverte. Elle me fait signe de la suivre sur le balcon. Elle a l’air d’une reine dans sa robe de chambre un peu grande. C’est une soirée douce de printemps. Elle me demande sans me regarder: — J’aimerais que tu m’emmènes voir la mer. Ça sera peut-être pour moi la dernière fois. »
Ce parfait ciel bleu de Xavier de Moulins, éditions Au Diable Vauvert
Date de parution : 01/03/2012
Article publié par Catherine le 22 mars 2012 dans la catégorie
Grand vin
Deux personnages animent ce petit livre : l’Autre et il ou elle, nous en quelque sorte… avec les verbes qui les accompagnent conjugués au féminin ou au masculin selon que l’auteur parle de l’un ou de l’autre.
Ici on parle d’amour, encore d’amour, puis de désamour, mais avec un sourire narquois… On se retrouve un peu, les yeux gonflés de larmes, le visage éteint, face à un psy qui a toujours le bon mot pour vous rassurer.
Et l’on emmène avec soi ce petit guide de la reconstruction après rupture en faisant fi des métaphores parfois un peu simplistes, parfois amusantes qui jalonnent ce récit.
Dans ce roman doux-amer, on passera du rire aux larmes tel un clown triste et l’on croisera aussi un moment cocasse lorsque sur Facebook l’Autre lui écrit se trouver au soleil et poste la photo d’un théâtre… parce que sur Facebook on ose tout…
Avec une plume acérée et énergique, l’auteur dissèque le cœur en plein chaos, dessine l’âme frappée par le chagrin d’amour. Elle esquisse le portrait décapant de tous les symptômes de la maladie d’amour à son paroxysme. Et chaque lecteur y trouvera des bouts de sa propre vie, de ces fissures du cœur qui ne guérissent pas ou ne se cicatrisent que doucement, des ruines à reconstruire pierre par pierre au prix d’une énergie qui s’émousse, au bout d’une éternité pour certains. Elle pose les questions qui font mal : peut-on s’en sortir ? Peut-on connaître à nouveau le printemps si l’âme est comme un arbre qui jaunit, perd ses feuilles et se dénude peu à peu ?
J’ai eu un peu de mal à m’inspirer de cet opus censé rassurer, qui a un goût de déjà vu, un parfum humé mille fois… D’aucuns s’y accrocheront indubitablement, ceux-là qui attendent tout de quelques pages de conseils et y trouvent un refuge, un guide capable de guérir les plaies de la rupture amoureuse…
L’amour en miettes de Catherine Siguret, éditions Albin Michel
Date de parution : 25/01/2012
Article publié par Catherine le 17 mars 2012 dans la catégorie
Cru bourgeois
Ce petit livre autobiographique ne m’a pas vraiment réussi, en dépit de ses qualités…
Denis est doublement handicapé, déficience mentale dès la naissance ; on accuse les médecins. Plus tard, le tracteur passera sur notre infortuné Denis, il sera aplati, selon les mots de l’auteure, qui alterne humour et gravité… L’histoire est présentée comme personnelle et vraie.. La biographie tend à le prouver : c’est bien du vécu, l’auteure nous parle de son frère…
“Un récit bouleversant”… Voici la bannière de l’éditeur, en rouge vif, qui affiche tout de suite une intention assez commerciale. La façon de traiter l’histoire et le style sont du même acabit : relativement séducteurs dans l’émotion, qui est utilisée (à mon goût) un peu trop systématiquement… Chaque ligne cherche à plaire au lecteur et à titiller sa fibre sensible… Dans mon cas, elle a fini par se rompre (ainsi que mon tube digestif). Question de goût du lecteur aussi… J’aime les millésimes qui se dégustent lentement, leurs arômes se goutent au fond du palais, et pas sur la langue ou les lèvres. Beaucoup de couleur et de panache dans ce livre, mais selon le lecteur, on peut apprécier… Ou pas ! L’auteure aurait peut-être fait un meilleur choix en restant neutre et en limitant les épithètes qui ajoutent du drame au drame. Pourquoi dire ouvertement d’une histoire triste qu’elle est triste ? Un simple récit devrait suffire…
Quelques jolies balades dans la nature, avec toujours un arrière-plan de douleur, de mort, de maladie. Chaque événement ajoute un peu de drame ; un jeune du voisinage qui meurt, lui aussi trisomique, la mère qui se met à boire, manquait plus que ça, le père qui abdique… Et voilà un autre registre : le petit Denis, qui pèse à présent cent kilos (deux tonnes dira l’auteure parfois un rien sarcastique), le petit gros Denis donc est placé en établissement trois jours par semaine. Le ton devient plus mordant, accusateur vis-à-vis de l’établissement et des infirmières, dont pas une ne sort indemne. Tout est catastrophe… Le personnel se serait permis de fumer devant ce pauvre Denis et ses congénères, rendez-vous compte, certains ont des déficiences respiratoires, ils auraient pu y rester ! De fil en aiguille, c’est toute la société qui est stigmatisée, les amis qui se détournent, les gens qui n’ont pas la bonne attitude… Certes, être parent d’un enfant lourdement handicapé n’est pas une sinécure, c’est même un souci de chaque instant, que l’auteure donne bien à voir, avec force et conviction, mais un rien d’insistance. Cette famille semble ne jamais pouvoir se détacher de sa douleur et s’élever pour donner une leçon de courage… J’ai eu parfois envie de les secouer, tant ils semblent se complaire dans l’apitoiement, à moins que ce soit le ton employé qui donne cette impression.
Cette lecture n’est pas déplaisante, loin de là, mais quand même assez triste, le récit eût pu rester simple et attachant. Le ton hésitant entre une sorte d’ironie et la tristesse ne m’a pas toujours semblé du meilleur cru. Voilà un livre qui aurait pu être meilleur à mon avis. Il peut entrer en résonance avec la fibre empathique du lecteur, ou décevoir dans son côté méli-mélo. Parce qu’il aurait pu être plus sobre et plus neutre, et ainsi gagner en force par la seule teneur de l’histoire, à ce point de vue il m’a déçu… Je lui décerne mon (célèbre) “burps”.
Bon personne n’a des pastilles pour la digestion ?
Petit frère l’Orage – Marieke Aucante. Éditions Albin Michel
Date de parution : 01/02/2012
Article publié par Noann le 17 mars 2012 dans la catégorie
Comestible ?
Présentation de l’éditeur :
Mado aime Dustin, qui aime Nell, que chérit Stany. Mais Mado n’est pas du genre à se laisser faire.
Même à 23h, la chaleur n’en finit pas de faire bouillir les cerveaux. On pourrait croire que tout commence ce soir-là, ce vendredi 13 caniculaire où Mado ramène Dustin à la maison, un jeune type à l’air franchement voyou. On pourrait croire aussi que Mado a un sérieux béguin pour Dustin, tant elle le protège des piques de Stany, son mari.
Mais il y a Nell, la renversante Nell, la nièce de Mado et Stany. C’est elle qui comprend la première que quelque chose cloche. Que Dustin n’est pas celui qu’on prétend. Que sa chère tante Mado a concocté une danse savante et macabre pour le quatuor en ébullition. Et que Stany pourrait bien y rester, comme feu le premier mari de Mado… Nell n’a qu’à tirer sur le fil pour que la vérité se déroule. Impitoyable et cynique.
L’avis de Martine :
Ce “petit” roman est une vraie perle, à apprécier par tous ceux qui aiment les bons livres et pas seulement le genre polar.
Si l’histoire est passionnante dès le début – au moyen de deux pistes narratives qui se rejoignent – l’auteur nous amuse avant tout par son art extraordinaire du dialogue… Les personnages s’animent comme par magie devant notre esprit.
L’auteur adapte sa prose à chaque caractère : brute de décoffrage pour exprimer qui est Dustin, ironie désabusée et affûtée pour croquer Stany… C’est spontané et juste, souvent drôle, et dégage une force théâtrale. Bien que les propos des quatre protagonistes principaux semblent assez anodins, ils sous-tendent des sentiments très noirs : haine implacable, mépris.
Les décors et le climat ajoutent à la tendance malsaine : ils sont dépeints avec une brosse rugueuse, d’une patte de maître vive et aguerrie, en touches superposées. À petit pas presque insouciants, le récit prend forme autour d’événements assez habituels dans toute maisonnée : un hôte – pas tout à fait inconnu – est accueilli pour la nuit, puis pour le lendemain : on boit un coup, on se retrouve autour d’un repas… on croirait que l’auteur improvise, qu’il se laisse prendre au jeu de sa propre imagination… Puis de la nonchalance pointent les pires extrêmes du mal : la manipulation, la chantage, le meurtre.
Un excellent moment de lecture !
Givre noir de Pierre Pelot. Éditions de la Branche
Date de parution : 08/03/2012
Article publié par Martine le 14 mars 2012 dans la catégorie
Grand vin
Les séparées, c’est l’histoire d’une grande amitié entre Alice et Cécile, qui naît dans les années 80, quand elles sont encore enfants. Mais c’est aussi l’histoire de la fin de cette amitié, et des raisons obscures qui font que, si forte qu’elle eût pu être, cette union se délite et les sentiments se transforment en ressentiments…
Mais comment les deux femmes sont elles parvenues à ne plus se comprendre, presque à éprouver de la haine l’une pour l’autre, du moins dans l’esprit de Cécile, qui semble ne pas vouloir pardonner à Alice certaines de ses attitudes ? Cécile convie son amie dans un café, pour tenter de lui parler. Une liaison aussi forte conserve toujours certains chainons d’une grande résistance, même si les deux personnes sont aux antipodes l’une de l’autre. Il y a toujours des souvenirs brillants qui refont surface, même lorsque la noirceur semble s’être installée durablement. Alice rencontre Cécile, après une longue période d’absence, cinq ans, pour tenter de comprendre. Cécile a changé, elle garde une part de son apparente assurance, mais semble aigrie… Elle est rongée par l’amertume, nourrit des reproches à son ancienne amie. Pourtant, elles ont tout partagé pendant plus de trente ans. Comment se fait-il qu’une union si complète, si fusionnelle, se soit fissurée, au point d’éclater…?
Plus tard encore, Cécile se retrouve dans un semi coma. Comment son état va-t-il l’influencer ? De quelle façon revoit-elle sa compagne ? Dans une sorte de délire, elle écrit des lettres imaginaires à Alice, elle lui parle avec la force de son cœur, désencombré cette fois des tracas matériels. Peu à peu, le lecteur découvre, par bribes savamment amenées, la vie de ces deux femmes, depuis leurs premiers pas, jusqu’au mariage, en passant par leurs coquineries de jeunes femmes. Tout un univers se dresse, à deux voix fortes, entrelacées. On découvre une relation subtile, extrêmement riche, où apparaissent de nombreux personnages secondaires, Philippe surtout, qui jouera un rôle fondamental dans le développement de la relation entre les deux femmes, frère de l’une, amant de l’autre.
L’auteure dessine une toile aux ramifications multiples, dense et profonde à la fois. Si cette histoire ne possède guère d’éclat en apparence, pas vraiment d’intrigue, d’action forte, pas de drame majeur, elle nous emporte toutefois, pour peu qu’on y soit sensible, dans les méandres d’une relation singulière. C’est par petites touches que sont dessinées ces natures féminines d’une grande profondeur, originales et pourtant si communes. La force est peut-être là, d’esquisser des personnes comme tout le monde, avec un talent qui leur donne une lumière diffuse mais intense. Tout en sensibilité, en émotion, avec d’infimes nuances, portées par une plume agréable… Le lecteur aura toujours envie d’aller plus loin, de découvrir ces deux personnalités, de savoir pourquoi, un jour, cette union dense comme le roc a volé en éclats. Par contre, un bémol quand même, les références musicales qui m’ont parues simplistes, les premiers noms populaires qui viennent à l’esprit, à contretemps. Les artistes, cités comme actuels en ’80, sont plutôt ceux des années ’70…
“Philippe devint le héros des histoires qu’elle s’inventait, elle omettait de dire à Cécile que l’objet de ses fantasmes avait un visage familier. Cécile aussi rêvait. Toutes deux vivaient dans un monde parallèle où se côtoyaient des idoles et des êtres sortis de leur imaginaire, elles en étaient fières. Lorsqu’elles en parlaient à leurs camarades, on les regardait sans comprendre. Elles se trouvaient particulières, et riches de posséder un univers souterrain. Dans celui-ci, Alice était irrémédiablement amoureuse de Philippe. Dans le monde réel, le chaos régnait dans son esprit. Peu lui importait qu’elle le voie ou non, la distance ajoutait au mystère de ses sentiments, les intensifiait.”
Les séparées de Kéthévane Davrichewy. Éditions Sabine Wespieser.
Date de parution : 12/01/2012
Article publié par Noann le 14 mars 2012 dans la catégorie
Grand vin