Cru bourgeois

Les amants de la dernière heure – P. Michel et M. Pelletier

Une histoire bâtie autour de quelques personnages truculents.

Viviane, une sexagénaire à l’esprit jeune et fantasque, poétesse, fonctionnaire représentant les écrivains au parlement.

Arnaud, journaliste distrait, toujours en retard, écrivain lui aussi… Ces deux personnes vont se rencontrer, à une soirée littéraire. Entre eux nait une complicité, basée sur un échange subtil et un partage d’idées et de valeurs.

Il y a aussi Klaus, expatrié de l’Allemagne nazie, poursuivi par un sénateur-justicier qui fait penser à Simon Wiesenthal. Autre personnage facétieux, un moine scientifique qui observe dans sa lunette un météore menaçant capable de dévaster la terre ! Quelques chats parlementaires font des apparitions discrètes. Bref, tout un petit monde cocasse qui ne demande qu’à dépayser le lecteur !

Ce roman a plusieurs facettes. Couv Les amants de la dernière heureIl y a d’abord l’histoire d’amour naissante entre Viviane et Arnaud, toute en pudeur et retenue, mais néanmoins chatoyante, avec quelques envolées lyriques. En parallèle se profile un scandale. Klaus est accusé d’avoir participé à la Shoah, cet abîme qui défie la raison. La rumeur se propage, mais ses amis ne peuvent y croire. Klaus est un homme tranquille, aimable. Il parait même qu’il a participé à la Rose blanche, mouvement anti-nazi. Les deux tourtereaux vont mener leur enquête et découvrir la vérité… Un peu tard ! Enfin, il y a aussi cette météorite au comportement bizarre…

Alors mon avis : je dois d’abord détromper les lecteurs avides de sensations fortes et d’hémoglobine. Le livre est présenté comme un thriller, doublé d’une histoire fantastique. Or il est tout sauf ça. Certes il y a un début d’intrigue, avec l’énigme sur Klaus. Mais la solution arrive vite. Ce n’est pas dans le suspens que cette histoire brille. Le côté fantastique est présent dans les premières pages et les dernières, mais passe en coulisses entre-temps. La jolie couverture annonce bien une histoire de fin du monde, mais là encore, l’essentiel n’est pas là.

C’est en fait dans l’esprit du livre qu’il faut voir ses qualités, dans ses personnages amusants, sobres et tranquilles, qui se soucient bien peu de ce cataclysme, auquel d’ailleurs personne ne croit. L’écriture est légère et distrayante, sans trop d’effets. Elle met en évidence ce petit microcosme d’individus charmants, en recherche d’eux-mêmes et d’une vérité suprême. Cet aspect tranquille garde le dessus, et il est évidemment difficile à concilier avec le tumulte d’un thriller ! Les auteurs ne le tentent d’ailleurs pas vraiment. Ils promènent leurs anti-héros tranquillement d’un bout à l’autre du bouquin, sans hargne, sans chercher à impressionner. En cela, les romans québécois se démarquent nettement des livres à sensation, et aussi très commerciaux, de leurs voisins américains, et même de leur demi-frère canadien anglophone. Ici, tout est fait de bonhomie tranquille, d’humanisme, de philosophie. L’esprit est fondamentalement différent. Il ne ressemble pas non plus à une certaine littérature française, pour ne pas dire parisienne, avec ses manières parfois alambiquées. Les auteurs québécois on en fait un esprit bien à eux, indépendant. Ils ne cherchent pas à copier ou émuler qui que ce soit.

On peut toutefois reprocher de vouloir, comme dit le proverbe africain, poursuivre deux gazelles en même temps sur le territoire du gorille, en tachant de séduire les amateurs de plusieurs genres. Mais ce roman n’est pas dépourvu de qualités, loin de là ! Un récit d’amitié et d’amour savoureux et agréable, où le côté humain occupe le premier rang. Et si un livre nous fait passer de bons moments, l’essentiel n’est-il pas atteint ?

Les amants de la dernière heure de Pauline Michel et Mario Pelletier. Éditions Transit

Date de parution : 19/05/2011  
Article publié par Noann le 19 mai 2011 dans la catégorie Cru bourgeois
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vin de table

Où en est la nuit ? – Jean Hatzfeld

Frédéric, reporter de guerre, se retrouve bloqué dans une oasis éthiopienne. Il fait la connaissance d’Ayanleh, un soldat un peu déluré, autrefois double champion olympique de marathon, dieu des stades, mais tombé dans les oubliettes suite à un contrôle positif au dopage.

Alors qu’assis en face D’Ayanleh sous un palmier, Frédéric comprend de leurs échanges que l’athlète a été dopé à son insu … Moult questions se bousculent alors dans sa tête. Pourquoi a-t-il expulsé de France ? Pourquoi est-il réduit à l’état de sans-papiers ? Pourquoi se trouve-t-il là aux antipodes de son pays d’origine et de gloires ?Couv Où en est la nuit

Frédéric essaie de comprendre … Dans son périple, il va croiser des personnages insolites, tous victimes de cette déliquescence qu’ils n’ont pas voulue mais qui se retrouvent là, livrés à eux-mêmes, à leur combat intérieur.

Au fil des pages, il tente de faire le compte à rebours de la vie de ces laissés pour compte et va entre autres rencontrer la sublime Tirunesh, l’ostéopathe tchèque Hannah, et d’autres personnages en pleine dérive.

L’auteur nous invite à suivre le parcours chaotique de ces personnages à l’âme fissurée, au cœur de guingois, à travers une plume tantôt tendre, tantôt fataliste.

De longs dialogues, qui dévoilent peu à peu les arcanes du monde sportif dont parle Ayanleh avec délicatesse derrière sa souffrance larvée, de la mentalité africaine impitoyable et débonnaire à la fois. Tout est relaté avec beaucoup de pudeur, de justesse, avec quelques éclats d’humour en toile de fond.

Certes …

Cependant, le récit souffre d’une lenteur et d’une monotonie qui ne donnent pas envie de suivre l’auteur dans les méandres et les divagations de son personnage.

Un roman d’une belle facture formelle mais un peu ennuyeux dans le fond.

Où en est la nuit ? de Jean Hatzfeld, éditions Gallimard.

Date de parution : 10/03/2011  
Article publié par Catherine le 15 mai 2011 dans la catégorie vin de table
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Grand vin

Prélude de cristal – Bernard Tirtiaux

L’harmonica de verre, ou glassharmonica est un instrument ancien produisant un son cristallin. Il est composé d’une série de verres en quartz ou en cristal tournant sur un axe, que le musicien fait résonner en passant ses doigts mouillés, ou à l’aide de petits maillets.

En 1886, Léna est une harpiste fougueuse et frondeuse. Lors d’un concert, elle heurte par mégarde un harmonica. C’est le drame. Des verres se brisent, et son propriétaire passionné est bouleversé. Il faut d’urgence dénicher un artisan verrier pouvant fabriquer de nouvelles pièces. C’est dans la ville sidérurgique de Charleroi, en Belgique, que Léna va trouver cette personne rare, capable de mouler le verre avec précision et de le retravailler jusqu’à obtenir la note exacte. C’est Lazare, un homme aux antipodes de la jeune femme. Elle est délicate, raffinée. Lui est un ouvrier costaud, rude. Et pourtant ils vont connaitre un coup de foudre réciproque.

Mais voilà qu’une révolution commence. Les  ouvriers se mobilisent. Lazare prend une part active dans le mouvement. Dans la cohue, deux hommes meurent. Ce sont en fait des émissaires du patronat, qui avaient pour mission secrète de semer la discorde. Lazare est accusé de ce meurtre qu’il n’a pas commis. Léna le soutient de tout son petit cœur. Pour sauver sa peau, Lazare doit fuir ce pays noir qui est le sien. Entre les deux amants, les choses ne sont décidément pas simples, elle qui va de concert en concert, et lui en cavale…Couv prélude de cristal

“Prélude de cristal” est une œuvre qui se démarque dès les premières lignes par son style, ouvragé, abouti, personnel, classieux. Le lecteur est emporté dans cette saga sur fond de réalité historique. La vie du pays de Charleroi est amplement décrite, ainsi que le mouvement ouvrier, celui des mineurs et autres besogneux, dans cette ville qui sera portée longtemps par son industrie, avant le déclin dû à la concurrence de l’est. Elle mourra définitivement et deviendra une des régions les plus sinistrées d’Europe. L’auteur la fait vivre de façon assez réaliste, dans une épopée qui ne laisse pas une page de répit au lecteur. Il faut s’accrocher pour suivre les événements, tant ils se succèdent avec force et vigueur. Cette suite épique est même presque étouffante tant elle est vive et emportée. Léna et Lazare font le tour de l’Europe, avant de se retrouver en Amérique du nord, et si le livre avait fait cent pages de plus, ils seraient arrivés sur Mars !

Il reste que, si le récit est mouvementé, et presque rocambolesque, on peut reprocher un manque de densité psychologique aux personnages. Léna aime son Lazare, elle l’aime, oh qu’elle l’aime. On croirait entendre une chanson de Johnny. Mais sur le plan du sentiment amoureux, il était possible d’aller plus loin. Je reprocherai aussi quelques incohérences. L’auteur ne se place pas toujours bien dans cette époque, et n’est pas toujours vraisemblable dans son personnage féminin principal.

“Je m’apaise en songeant que, sans ses fours, ses creusets de matière en fusion, ses huit cannes de souffleur pour jongler, mon amour ne tarderait pas à se sentir désœuvré, et qu’il en serait de même pour moi si on me privait de ma harpe ou de mon piano.”

Prélude de cristal par Bernard Tirtiaux. Éditions JC Lattès

Date de parution : 16/02/2011  
Article publié par Noann le 14 mai 2011 dans la catégorie Grand vin
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Cru bourgeois

Manuscrit zéro – Yôko Ogawa

Un hôtel perdu dans la montagne japonaise. Derrière, un minuscule sentier qui mène à un étrange restaurant. L’on y sert exclusivement des mousses, et à côté de chaque plat est déposé une boite avec un échantillon de la plante, et une loupe pour l’observer, entre deux bouchées. C’est délicieux paraît-il…

Une maison d’enfance, peuplée d’une grand-mère et de deux inséparables amies, dont les relations sont ambiguës.

Une école où il s’agit de se faire passer pour ce qu’on n’est pas : une parente d’élève. Il faut passer la porte, surveillée de près par des cerbères.

Un concours de pleurs d’enfants… Divertissement très nippon.Couverture Manuscrit zéro

Quel rapport entre toutes ces histoires ? Peut-être aucun, sinon qu’elles composent le “Manuscrit zéro”. Le titre est déjà une intrigue. Manuscrit au point mort, inachevé, débutant, raté, en devenir, ou projet de livre, figure de pensée ou construction de l’imaginaire…?

Mieux vaut ne pas se poser de questions et se laisser porter. Personnel, intime, ce livre emprunte des éléments d’une vie, sans doute celle de l’auteure même. Et d’autres vies entremêlées, de chercheuse, conférencière. De nombreux fils conducteurs mélangés. Mais voilà que des chapitres se terminent de façon abrupte. Des ébauches, considérées mauvaises, sont abandonnées. Et des fragments restent, se profilent, se dessinent. Manuscrit dix-huit feuillets, trois feuillets… Le lecteur suit médusé ce périple littéraire. Il n’a plus qu’à se laisser faire et tenter de recomposer son chemin de lecture parmi ce dédale de la pensée. Yôko nous mène, nous conduit par de petits tours dans son imaginaire, à moins que ce soit sa vie romancée, bien que comme à son habitude, elle reste pudique et réservée, ce qui apporte encore une note d’étrangeté. De pirouette en impasse, elle ne craint pas de nous déstabiliser.

L’univers de l’écrivain japonais est bien là, conforme à lui-même, une esquisse patiemment dessinée, de jolis traits, une ambiance. Il reste que, si certains lecteurs s’amuseront à deviner et retracer un manuscrit cent pour cent à partir de ce Manuscrit Zéro, d’autres pourraient abandonner en cours de route, perdus dans la perplexité de ce texte à l’allure de puzzle en trois dimensions. Il s’agit peut-être d’une pièce centrale dans l’œuvre de Yôko Ogawa, qui pourrait bien éclairer toutes les autres.

“C’était une modeste construction dont les planches par endroit étaient tordues, à moitié pourries et bien sûr moussues. Seules les plaques de cuivre sur le toit étaient couvertes de vert-de-gris en harmonie avec le milieu, au point que l’on ne pouvait pratiquement pas les distinguer des mousses. ‘Restaurant spécialisé dans la préparation des mousses’, était-il écrit sur le panneau”

Manuscrit zéro de Yôko Ogawa. Actes sud

Date de parution : 20/04/2011  
Article publié par Noann le 7 mai 2011 dans la catégorie Cru bourgeois
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Cru bourgeois

Les yeux au ciel – Karine Reysset

Une famille recomposée se réunit en Bretagne pour fêter l’anniversaire du grand-père. Cette fête familiale est bien évidemment l’occasion de ressasser des souvenirs, l’opportunité rêvée de régler ses comptes …
Lena, la sœur aînée, joue le rôle de médiatrice, mais se heurte à Achille, le demi-frère mal aimé, tandis que Stella et Merlin, restés de grands enfants, y voient le bonheur d’être ensemble tout simplement.

Ce récit nous met devant la triste vérité … Derrière nos airs sereins, « normaux », on est tous sur une corde raide, tous à deux doigts de tomber dans le gouffre. Une mère épanouie peut sombrer dans la dépression, se retrouvant soudain incapable de s’occuper de ses enfants. Un fils, étudiant brillant, travaille en réalité d’arrache-pied et fléchit jusqu’à perdre pied. Tandis qu’un père qui jusqu’alors s’est montré indifférent, inattentif à sa famille, se ressaisit en une fois et un mari catalogué de nul se fait aimer pour ce qu’il est vraiment, pas si nul que ça …Couverture Les yeux au ciel

Vient alors la remise en question de chacun, l’espoir de s’en sortir à tout prix, refuge qui permet de ne jamais plonger dans le gouffre béant.

Nous avons tous connu ces maisons des bords de mer où grands-parents, enfants et petits-enfants se retrouvent confrontés aux méandres des souvenirs – ceux dont on se régale et ceux qu’on bannit, car ils risquent de tout faire éclater …

L’auteur rend le lecteur complice et l’invite à pénétrer dans cette demeure bretonne qui abonde de recoins obscurs, de secrets verrouillés. De chapitre en chapitre, l’on est confronté à épier tous les faits et gestes des personnages, essayant en cela de découvrir la cause du mal-être profond qui réside en chacun d’eux, d’expliquer l’origine de cette angoisse larvée, alimentée depuis un drame survenu jadis.

Une chronique familiale livrée avec sincérité et émotion, qui sonde les rapports humains et s’intéresse à la confrontation entre le passé et présent.

Une thématique maintes fois approchée  ces derniers temps – et c’est d’ailleurs ce qui m’a fait hésiter un peu au début – mais exploitée ici à travers une écriture franche et stylée.

Et le lecteur en sort ravi …

Les yeux au ciel de Karine Reysset, Éditions de l’Olivier

Date de parution : 3/3/2011  
Article publié par Catherine le 3 mai 2011 dans la catégorie Cru bourgeois
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Grand vin

Un garçon singulier – Philippe Grimbert

De Louis aussi, on a toujours dit qu’il était un peu particulier …
Alors cette annonce sur le mur de la fac, proposant de s’occuper d’un « adolescent singulier », à savoir autiste, l’interpelle. Et le lieu de villégiature annoncé, Horville, dans le Calvados où, enfant, il a passé toutes ses vacances, lui parle tout autant …

C’est alors qu’il se rend au chevet de cet adolescent taciturne et imprévisible. Iannis, la maman du garçon, s’épanche et s’explique sur les attitudes difficiles du garçon, engage Louis, puis s’enferme dans son bureau pour écrire des nouvelles érotiques …un garçon singulier

Démons du présent, fantômes du passé vont bien entendu s’entrecroiser pour illuminer une vie et remuer de lourds souvenirs restés trop longtemps claquemurés …

Comme à l’accoutumée, l’auteur sonde la conscience de ses personnages, s’intéresse à leurs secrets enfouis, à leur désarroi larvé, aux amitiés englouties.

Le lecteur accompagne Louis, plongé dans l’univers de son enfance, se souvenant de l’amitié profonde qui le liait à un garçon, cette amitié équivoque qui avait pris fin tragiquement et dont il ne se remettra jamais. A mesure qu’il se rapproche de Iannis, des sentiments refoulés lui reviennent en mémoire le laissant bouleversé, bousculé …

Fort de son expérience, l’auteur mène l’histoire de  cet adolescent différent avec une grande justesse, effleure avec pudeur les relations humaines ambiguës, sans jamais brusquer le lecteur. Dans ce huis-clos arc-boutant passé et présent, l’auteur nous entraîne dans les tréfonds de l’âme de Louis en pleine dérive, se remémorant les parfums de la Côte normande jadis tant de fois humés.

Troublant …

“Maintenant que j’ai appris à le connaître, je l’aime et il m’effraie tout à la fois. Lui et sa mère vont trop loin, mais tous deux ont eu raison de mes résistances…”

Un garçon singulier de Philippe Grimbert, Éditions Grasset.

Date de parution : 02/03/2011  
Article publié par Catherine le 28 avril 2011 dans la catégorie Grand vin
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Cru bourgeois

Sukkwan Island – David Vann

Un roman épique à deux personnages. Jim, un dentiste quadragénaire un peu paumé, décide de passer une année complète en compagnie de son fils encore adolescent, Roy, dans une île perdue au sud de l’Alaska. Cette île est déserte, accessible uniquement par hydravion. Le premier voisin habite à trente kilomètres. Voilà une histoire qui menace d’être terriblement ennuyeuse, dans une petite bicoque plantée en des lieux stériles. Et pourtant…

Jim est un drôle de type. Il ressasse de vieilles histoires d’amour, et ses relations avec des prostituées. Il rabâche son mariage raté avec la mère de Roy. Chaque nuit, il pleure à chaudes larmes. couverture de sukkwand islandSon fils se réveille, embarrassé, il ne sait comment se comporter avec ce père dépressif et sans consistance. Les problèmes arrivent vite, sur ce bout du bout du monde. Jim n’a presque rien prévu. La nourriture qu’il a emmenée est dévastée par un ours. Il fait une chute et échappe de peu à la mort. Le gamin panique. Heureusement, son père se rétablira. Mais c’est un père décidément peu débrouillard, qui prend les mauvaises décisions. Évidemment, un drame arrive, et quoi de plus fort qu’un décès ? Deux décès. La mort vient à point nommé, comme dans nombre de romans. L’auteur enchaine les événements et les incidents se suivent…

David Vann est né en Alaska, et c’est donc en parfait connaisseur qu’il nous parle de ce territoire inhospitalier. Son roman est donc particulièrement convaincant et très réaliste. Le lecteur suit médusé les aventures de ce tandem père-fils qui est obligé de se supporter, dans un huis clos oppressant. Les péripéties ne manquent pas, elles se suivent d’un bout à l’autre, dans une ambiance où le tragique succède au tragique. Il manque cependant quelque chose pour emporter mon plein enthousiasme. Peut-être eût-il fallu une intrigue plus élaborée, ou une écriture plus poétique. Il reste une suite d’anecdotes tout de même fort captivantes, où l’on ne s’ennuie pas.

Sukkwan Island de David Vann.Editions Gallmeister

Date de parution : 07/01/2010  
Article publié par Noann le 21 avril 2011 dans la catégorie Cru bourgeois
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Premier Grand Cru Classé

La marche de Mina – Yôko Ogawa

Tomoko, douze ans, habite la campagne et vient de perdre son père. Elle passe alors une année chez son oncle dans une grande ville pendant que sa mère suit une formation professionnelle. Elle découvre là-bas un milieu très différent du sien. Son oncle est directeur d’une usine de soda, sa cousine, Mina est passionnée de littérature et va à l’école à dos d’hippopotame nain, et la grand-mère est allemande.

Tomoko, perdue depuis la mort de son père, trouve sa place dans cette maison et vit auprès de cette famille une année qu’elle n’oubliera jamais.

L’auteur délivre une sorte d’enseignement à travers ce roman. Tomoko s’en fait la messagère. Elle se laisse porter par cette nouvelle vie dans une sphère familiale remplie de secrets, et tout va petit à petit lui donner un envol différent, allant jusqu’à lui faire oublier tout ce qu’elle était. Dans cette nouvelle vision du monde de l’après-guerre, Tomoko ne sera plus la même.Couverture La marche de Nina

Et puis il y Mina, sa cousine,  qui collectionne les boîtes d’allumettes illustrées et évolue dans un microcosme de rêves et de fantaisie, se prend pour une princesse et ouvre la porte de son cœur à Tomoko. L’atmosphère qui règne dans la maison invite à la tendresse et à la chaleur humaine.

Et voici que le lecteur évite le bruissement des pages qu’il tourne pour ne pas trahir la quiétude et la douceur qui émanent du récit.

L’écriture est délicate, sensible, sereine, à l’instar de la culture japonaise. Les personnages sont tendres, touchants et nostalgiques, sans qu’il émane jamais d’eux inquiétude ou mystère. Le récit coule doucement tel un ru entre le feuillage, ce qui donne l’impression de longueur parfois mais les mots sont comme des murmures qui viennent à l’oreille sans bousculer. C’est là sans doute que naît le talent de l’auteur. Tout est suggestif, paisible mais plein de vérité.
Un roman baigné de poésie qui évoque le mélange de cultures de ce Japon des années 70, riche, spirituel.

A découvrir sans tarder … si ce n’est déjà fait.

“Même si un livre ouvert était retourné sur la table du solarium, Madame Yoneda ne prenait jamais sur elle de le ranger. De l’autre côté des pages, se dissimulait un monde inconnu, et le livre retourné en constituait la porte d’entrée, si bien qu’elle ne pouvait pas le manipuler à tort et à travers. Afin que Mina ne s’égare pas.”

La marche de Mina par Yôko Ogawa, Actes Sud/ Babel.

Date de parution : 11/01/2008  
Article publié par Catherine le 20 avril 2011 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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Dessin de Jordi Viusà. Rédigé par des lecteurs passionnés