En 1974, Alix intègre le très réputé lycée Victor-Duruy, où étudient de jeunes filles fortunées et à la mode. Pas vraiment son style ce lycée huppé et snob, elle qui arrive de Saumur. Fort heureusement, elle y rencontre Pia et devient son amie. Pia est la parfaite petite bourgeoise chrétienne, bien loin de ce que représente son entourage, peu conventionnel, voire ordinaire. Ainsi, Alix fait la connaissance de la famille de Pia, à mille lieues de ce qu’elle imaginait. La maman tient une pension de famille, nommée jadis le Home Pasteur, tenue auparavant par la grand-mère, au 57, rue de Babylone. Dans cet établissement vit Samuel, le papa de Pia, très cultivé et producteur de musique classique pour une clientèle élitiste qui lui assure de quoi faire vivre sa maison d’édition. Tandis que sa femme surnommée Cocotte, d’origine italienne, et sa sœur Monica détiennent le cordon de la bourse et entretiennent toute la famille.
Pia est rigoureuse, classique tandis qu’Alix, dont le père dirigeait le Cadre noir de Saumur, l’excellence hippique, rêve de fantaisie et de lendemains de liberté. Pourtant, une grande amitié naît entre elles deux, improbable puisqu’elles semblaient aux antipodes l’une de l’autre.
Dans la pension de famille tenue par la mère de son amie, Alix croise des hôtes insolites, du jeune Américain au vieux comédien bougon, des personnages extravagants, tous plus farfelus l’un que l’autre et dans ce monde hors des conventions, Alix découvre les amours, le bonheur, les chagrin aussi…
Avec un talent indéniable, une plume enlevée, l’auteure dépeint un univers disparu aujourd’hui et rend hommage à un pan de sa vie qui lui a permis d’approcher la liberté et d’en faire son credo.
On se laisse porter jusqu’au bout par l’histoire de cet établissement insolite et l’on suit les pérégrinations des personnages que cette pension a logés. Et l’auteure, sous quelques chapitres syncopés, relate l’atmosphère du lieu depuis le temps de l’Occupation, lorsque que le Home Pasteur était tenu par la grand-mère de Pia, jusqu’à sa fermeture. Elle parle aussi du temps où des célébrités se croisaient, tels le mari de Françoise Sagan, ou le scénariste de Chabrol. Des personnages saugrenus se retrouvent régulièrement dans cet antre de liberté, chargé de fantaisie, sous le joug des années sexe et rock and roll.
Un roman délicat et goguenard, livré à travers la plume de la magistrale Alix de Saint-André qui, comme à l’accoutumée, ne cesse de nous surprendre et nous ravir.
Irrépressible… Convaincant. À lire absolument.
57 rue de Babylone, Paris 7e par Alix de Saint André, éd. Gallimard
Article publié par Catherine le 15 août 2021 dans la catégorie
Grand vin
Eugénie D. est une jeune femme un peu spéciale, un peu différente, que le monde insupporte, effraie même. Elle se réfugie dans un monde imaginaire rempli de poésie, se crée un univers décalé, invente des choses insolites, comme la cravate-parapluie ou la poussette à pastèques. Il faut dire que déjà quand elle est née, elle avait des particularités très rares… Un curieux bébé à la peau quadrillée qui lui donnait un air de martien, venu d’une autre galaxie. Ainsi sa peau était maculée de cases blanches et noires, comme des mots croisés. En grandissant, le damier s’est mélangé et la voici devenue une jeune femme aux formes généreuses, très belle pensent certains tandis que pour la plupart elle inspire l’indifférence ou la répulsion souvent.
Un jour de pluie à la gare Montparnasse, elle croise Joséphin, tout le contraire d’elle, très maigre, très grand et meurtri par une timidité maladive et une déprime larvée qu’il soigne en modelant, sculptant, s’adonnant au travail de la céramique. Issu d’un pays où pleuvent les bombes, il est chauffeur de taxi à temps partiel et sculpteur-céramiste, une passion qui l’occupe des heures entières.
Eugénie et Joséphin tombent amoureux très vite. Et très vite, ces êtres aux ailes abimées qui se percutent en plein vol, s’apprivoisent et se consolent dans les bras l’un de l’autre. Puis, très vite aussi, leur vie bascule, se complique…
Ces deux écorchés de la vie s’épanchent de plus en plus et de leurs confidences ressortent des souffrances similaires liées au passé, les stigmates qu’ont gravé dans leur cœur le monde cruel, les meurtrissures que les gens leur ont infligées à coup de marteaux piqueurs. Pas à pas, l’on suit ces personnages attachants et fragiles, de ces deux muets qui s’entraident et se livrent enfin, se délivrent même, à coup d’amour et de soutien.
L’auteur nous livre un conte aérien où l’amour s’immisce entre chaque ligne, s’épanouit à tout va, se fiche des bien-pensants, contourne le raisonnable en se moquant de ce qui pourrait gêner le politiquement correct.
L’histoire de deux êtres que rien ne semblait rapprocher, si ce n’est peut-être les douleurs du passé qui les ont fait fléchir…
J’ai apprécié dans l’ensemble cette promenade dans les tréfonds d’âme en détresse mais regrette peut-être que l’auteur ne se soit pas attardé sur la personnalité des protagonistes…
Celle qu’il attendait de Baptiste Beaulieu, éd. Fayard
Article publié par Catherine le 25 juillet 2021 dans la catégorie
Cru bourgeois
Il fallait le faire… Publier en 2021 un journal écrit en 1959, qui couvre la période 1951-1953. Le journal intime de deux amoureux, et pas n’importe lesquels. Paul Guimard voulait aider sa femme, Benoîte Groult, à se lancer dans l’écriture. Il relève le défi et celui-ci est concluant : cet écrit est resplendissant. Paul Guimard parle avec tant d’emphase de celle qui partage sa vie. Humour, phrases volubiles c’est elle, bien elle, Benoîte Groult.
Alors qu’est-ce qu’on peut bien faire de sa vie quand on pas d’activités professionnelles ? On épouse, on fait des enfants, on assume son rôle de mère de famille, tant bien que mal, et un quotidien sans anicroche. Le couple est solide bien que naissent parfois quelques infidélités. L’on aime ailleurs, mais discrètement.
J’ai été surprise d’apprendre que Benoîte Groult a découvert tardivement le plaisir de l’écriture et pris le train en marche, alors que son époux était déjà coutumier de l’exercice périlleux de coucher sur papier ce que sa plume avait de prolixe puisqu’il était journaliste – ils l’étaient tous deux d’ailleurs mais Benoîte Groult n’exerçait pas – et l’auteur du très beau roman « Les choses de la vie », qui sera adapté au cinéma et interprété par Michel Piccoli et la délicieuse Romy Schneider. Mais qu’avait-elle de richesses jamais révélées ? Paul Guimard a cru en elle, intimement convaincu par le talent indéniable de cette épouse indomptable et rebelle que le destin avait mis sur sa route. Ils se lancent tout de go dans un journal à quatre mains qui parle de leur couple, des journées qu’il leur inspire.
D’abord, chacun griffonne de son côté, sans manquer de jeter un petit coup d’œil furtif sur ce que l’autre dévoile. Ils relatent ainsi leurs émois, leurs défaillances, tout ce que leur relation leur apporte au quotidien, tout ce que l’un et l’autre nourrissent dans la relation de couple. Ils écrivent au lit sur ce que leur inspire la journée basée sur l’état de leur relation, l’un à part de l’autre, d’abord, puis l’un avec l’autre.
En conclusion : voici un journal ingénieux, tantôt jubilatoire, tantôt cruel, issu d’une plume magistrale… Aussi, le constat indéniable d’écrivains talentueux couronnés de gloire et de nombreux succès…
À lire, non pour découvrir quelques pans de la vie intime d’un couple de renom mais bien pour savourer le chassé-croisé de deux plumes amoureuses et envolées…
Journal amoureux de Benoîte Groult et Paul Guimard, préface de Blandine de Caunes
Date de parution : 24 mars 2021
Article publié par Catherine le 26 juin 2021 dans la catégorie
Cru bourgeois
Un metteur en scène et auteur nourrit le projet de demander aux spectateurs de rédiger avec lui une lettre jamais envoyée. En 35 minutes, il exposera le sujet et donne 45 minutes aux participants pour écrire. Ainsi, des quatre coins du monde, de la plume d’écrivains en herbe seront couchés sur papier des mots d’amour, de pardon, des émois, mais aussi des mots de haine, des regrets, des désarrois, des perditions. Chacun ira de son expérience personnelle, de ses passions, de ses heurts, de ses fissures aussi, en vrac, en ne se doutant pas une fois que de ces échanges épistolaires, naîtra un projet théâtral.
De ces fragments de vie, ce ballet d’échanges de mots jamais dits, de mots criés au fond du cœur, de chaos, d’exaltations, ourdit l’élaboration d’un recueil de lettres tues jusqu’ores. Et c’est de là que fleurira la pièce de théâtre tant espérée par le metteur en scène.
Un recueil de lettres intéressant, qui érige un projet longuement mûri par l’auteur qui s’est imaginé écrivain public pour mettre en scène la parole de spectateurs, futurs bateleurs. Et soudain, la vie des protagonistes devient une pièce de théâtre. Pour réaliser son projet, l’auteur a sillonné les théâtres d’une ville à l’autre pour proposer aux spectateurs qui en sont désireux de rédiger la lettre qu’ils n’ont jamais osé écrire, lesquelles seront lues ensuite par des comédiens et par David Geselson lui-même, lors de prochains spectacles.
De cet assortiment de lettres fleurira bientôt de nombreux spectacles tous destinés à donner une chance à des comédiens novices, improbables, qui se voient désormais partager leurs bouts de vie et les déclamer sur les planches, une occasion à saisir pour tous ces comédiens de fortune que de divulguer un pan de leurs vies, mis en exergue à présent.
À ce titre, les acteurs seront un enfant, un frère, une mère, un père et sa fille en plein courroux, un amour, une amante, un mari plus jeune que son épouse. L’on passe tantôt du rire aux larmes, des appels au secours à la sérénité, des bleus à l’âme aux lendemains plus apaisés, des écorchures du cœur aux matins exaltés, tous ces sentiments gardés scellés et enfouis dans les tréfonds de l’âme, de la plume interdite tout à coup trempée dans l’encre douce-amère, de murmures de parloirs enfin hurlés.
Des mots qui virevoltent, s’arc-boutent dans un écrin que l’on désirerait conserver dans les tiroirs de notre âme, pour que jamais plus ils ne soient oubliés mais psalmodiés sur toutes les scènes du monde, histoire de les mémoriser, une fois le livre refermé, aller pouvoir entendre sur scène et poursuivre encore et encore l’objectif espéré par l’auteur et le metteur en scène de toucher, émouvoir, laisser dans chaque cœur une trace indélébile de ces instants livrés et partagés.
Férue des belles lettres d’antan, lorsque l’on s’écrivait et disait – car il n’existait alors d’autre moyen de communication que les mots dits tout bas et ceux griffonnés, ou encore déclamés, que l’on couchait sur le papier ses émois, je me suis laissée porter par ce roman épistolaire et insolite. Mon seul regret serait peut-être que ce récit ne se rapproche un peu trop du scénario plutôt que du roman et ressemble en cela plus à un syllabus destiné aux futurs comédiens qui entrent à l’académie ou au Conservatoire…
Lettres non-écrites de David Geselson, éd. du Tripode
Date de parution : 1 mars 2021
Article publié par Catherine le 23 mai 2021 dans la catégorie
Cru bourgeois
Après avoir déserté la Roumanie, Adriana pose ses valises en Belgique. Elle confie à ses parents son fils Cosmin. Hantée par un passé douloureux, elle laisse mûrir en elle la haine et l’amertume. Employée par une famille allemande fortunée, Adriana assume désormais des fonctions de nounou. Elle s’occupe de la petite Mathilde, six ans, une enfant difficile et capricieuse. Entre sa maman Nina, souvent absente et alcoolique et son père, Stefan, discret et taciturne, il règne une ambiance douce-amère.
Et puis, il y a Gaston, qui l’enlève le week-end et lui prête son épaule. Auprès de lui, Adriana retrouve un peu d’apaisement et arrive parfois à oublier, fût-ce un instant, les trahisons qu’elle a subies jadis et la noirceur de son quotidien. Ainsi s’installe un équilibre précaire très vite bousculé par la mère d’Adriana, momentanément indisponible et peu enthousiaste à accueillir chez elle son fils.
Au fil du récit, on en apprend un peu plus sur chacun des personnages, certains de prime abord aimables et d’autres revêches et antipathiques, ceux-là mêmes qui se retranchent derrière un mur glacial pour se protéger de leur malheur et leur perdition, et à qui l’on finit par pardonner leurs comportements odieux. Et l’on se retrouve à s’apitoyer sur les attitudes des personnages qui n’avaient pas notre sympathie jusqu’ores, à les soutenir désormais et à les comprendre, allant même jusqu’à leur souhaiter des lendemains meilleurs.
Je me suis laissée porter par ce roman, à l’atmosphère entre gris clair et gris foncé, distillant les relations humaines qui vacillent et s’évanouissent si vite que l’on perd pied et dégringole tantôt à cause d’un infime cahot ou pour avoir trébuché au bord du précipice immense qu’engendre les relations humaines…
Je conseille vivement la lecture de ce nouvel opus. J’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir la plume magistrale, tout en émotions et délicatesse, de l’auteure du magnifique Tango tranquille chroniqué ici il y a quelque temps…
La fragilité des funambules de Verena Hanf, éd. Deville
Article publié par Catherine le 26 avril 2021 dans la catégorie
Grand vin
” Le premier noyé de la saison, c’est un peu comme l’ouverture de la cabane à chichis, la première grosse pousse de cèpes ou la première gelée : ça rythme l’année. “
Les Bordelais seraient-ils presqu’aussi agaçants que les Parisiens ? C’est ce qu’il semble transparaître de ces nouvelles qui exhalent les cèpes et l’automne. On y parle beaucoup de la chasse, de la pêche. De l’océan aussi, tellement redoutable, que ses flots si menaçants ramènent chaque année le premier noyé.
Dans un coin de Médoc, on bavasse autour d’une table, de tout et de rien et on se fait interrompre par le Bordelais, un gars de là-bas comme il dit parce que ses parents avaient une maison à Bordeaux, qu’il a grandi ici. C’est un épicurien, un gourmet qui apprécie la bonne chair, les produits de la chasse et de la pêche toujours à l’affût d’un bon gibier quand il parcourt la campagne au volant de son 4X4.
Au village, il essaie de s’intégrer, de s’immiscer dans les conversations mais chaque fois, il se fait rabrouer et quand il donne son avis, personne ne l’écoute…
Ainsi, depuis quelque temps, le bougre se tient à carreaux et lorsqu’on lui demande d’où il est originaire, il se montre vague et indique qu’il vient d’une station balnéaire réputée quelque part dans l’Atlantique. De cette façon, il évite les remarques sur la mentalité des gens issus du Médoc, catalogués d’alcooliques notoires. Et puis, en général il élude le sujet pour éviter de devoir rendre des comptes à l’entourage toujours inquisiteur. En réalité, il rentre de moins en moins chez lui, s’est claquemuré dans sa Thébaïde.
Au fil du temps et parce que les gens vous jugent et vous condamnent, n’est-il pas préférable de se fondre dans l’anonymat, de se mêler à la foule sans justifier d’être Bordelais ou Parisien, avec tout ce que cela représente de négatif ?
Sous la plume douce-amère, un soupçon d’humour s’immisce entre les lignes et l’auteur dépeint un monde d’intraitables et d’aigris, quelque part entre terre et mer.
Je ne garderai pas un souvenir ému de ces tranches de vie de personnages peu avenants et en particulier de la personnalité du Bordelais qui n’a pas suscité chez moi la moindre sympathie…
Presqu’îles par Yan Lespoux, Agullo Editions
Article publié par Catherine le 27 mars 2021 dans la catégorie
Comestible ?
« Le problème est que nous cherchons quelqu’un pour vieillir ensemble alors que le secret est de trouver quelqu’un avec qui rester enfant. » (Charles Bukowski)
« Les cliniques spécialisées, je connais. Je m’y suis frotté comme on s’arrache la peau, à vif. Les hôpitaux psychiatriques sont pleins de gens qui ont baissé les bras, qui fument une cigarette sur un banc, le regard vide, les épaules tombantes…. J’ai été un parmi eux.»
Parce qu’un jour, les vents contraires s’acharnent…
Quand l’auteur de huit livres à succès chancelle sous le joug de la dépression, ce mal sournois qui frappe sans crier gare et vous enferme dans une Thébaïde imposée, vous emprisonne dans un huis clos duquel vous ne sortez pas sans l’aide des médecins de l’âme, une béquille salvatrice que sont l’enfermement et la prise de substances qui vous laissent entrevoir un coin de ciel bleu.
D’aucuns s’interrogent et diront aisément que huit livres qui marchent bien, les nombreuses dédicaces et émissions mettant en exergue les romans dès leur publication, les entourant d’éloges et de gloire auraient pu suffire à éluder le mal-être et les meurtrissures insidieuses de l’âme. Certes, mais l’auteur a fléchi et relate sa vie grignotée par ce mal sournois, les huit dépressions qui l’ont mené d’un établissement psychiatrique à l’autre, et comment il a pu renaître sans replonger, grâce à ses amis, ses amours, ses diverses activités dans le monde de l’édition et ce message d’espoir qui ne s’est jamais évanoui au fil des chancellements de l’âme, des dépressions qui se sont enchaînées l’une après l’autre.
Dans ce nouvel opus, Gilles Paris raconte avec pudeur et humilité son chemin à travers les méandres de la dépression, son combat sans relâche pour des lendemains baignés de soleil, nous livre tout de go ses réflexions, ses questions sans réponse, ses ressentis lorsqu’il termine un roman, ses bouts de vie entre gris clair et noir profond, ses ciels désolés et ses espoirs d’arcs-en-ciel, Laurent, la moitié, le double, l’essentiel. L’enfance tiraillée entre, un père odieux et violent tant verbalement que physiquement, qui l’a toujours méprisé, et une mère qui vivra dans le souvenir d’un mari volage sans jamais cesser de l’aimer, les silences, les non-dits, le manque d’amour paternel, de reconnaissance… Après cela, comment grandir et se frayer un chemin dans ce monde ingrat, trouver sa place dans la mêlée. Il faut être solide et certains cœurs lâchent pour trois fois rien…
Le mien a juste battu la chamade par tant d’émotions, de désespérances suivies d’éphémères soubresauts, qui s’immiscent entre les lignes à chaque instant…
À lire d’urgence pour survivre à tout prix…
Certains cœurs lâchent pour trois fois rien de Gilles Paris, éd. Flammarion
Article publié par Catherine le 7 mars 2021 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
« Lorsque j’ai rencontré Ehlmann, il était debout sur le bord de la route, sa voiture garée en catastrophe sur la bande d’arrêt d’urgence, feux de détresse allumés. J’ai vu qu’il souriait, que tout son visage était tordu de larmes et de rires à la fois, j’ai pensé qu’il était fou. »
De retour dans le vieil immeuble et l’appartement qu’il met en vente, il se remémore avec nostalgie sa jeunesse dans ces 38 m² dont il connaît les moindres coins et recoins, les moindres crissements du plancher, les moindres bruits familiers et retrouve sa vie d’antan et des souvenirs qui ont à présent un parfum suranné. Et la mélancolie s’installe soudain…
Tandis qu’à Venise, une femme sauve un hippocampe échoué sur la lagune alors qu’elle vient d’apprendre que son père est atteint par la maladie d’Alzheimer.
Ailleurs, de retour d’un enterrement, un vieux couple se querelle à propos de l’arbre où seront déposées les cendres.
Et puis il y a Awa, une jeune Sénégalaise, pour qui le rêve de salon de beauté s’écroule parce qu’elle devra assumer les soins de santé de son frère hospitalisé.
Cahin-caha, on se laisse porter par ces treize nouvelles émouvantes de fragilité et tout de go dès les premiers mots l’on est touché en plein cœur par ces fragments de vie fracturés, ces instants arrêtés en plein vol, cette mélancolie qui vous enveloppe sans crier gare, cette détresse qui sonne le glas à la porte de votre cœur sans préambule.
Ce nouvel opus de Sylvain Prudhomme est touchant d’un bout à l’autre et nous bouleverse. De sa plume délicate, l’auteur frôle l’intime, saisit les instants de vérité, dessine les contours des âmes meurtries de ces personnages qui chancèlent, vacillent et perdre pied sous le joug de drames de toutes sortes, imminents et délétères.
Treize histoires de rêves avortés, d’espoirs dilués, de projets échoués, de dégringolades esquivées in extremis…
J’ai été émue par ces histoires déposées en vrac mais qui contiennent toutes une perdition larvée, ou parfois un soubresaut d’illusion caressant soudain l’envie de s’accrocher à tout prix.
À lire sans tarder en cette période maudite que nous vivons pour tenir bon et repousser les vents contraires et les orages de la vie à coup de poésie, d’étincelles et de lumière.
Les orages par Sylvain Prudhomme, éd. de l’Arbalète
Article publié par Catherine le 5 février 2021 dans la catégorie
Grand vin