Kazehiro perd son emploi à la banque, sans raison. Une nuit, il quitte le domicile sans dire mot à sa femme, emportant un carton contenant quelques effets personnel et voyage vers San’ya, un quartier bouclé de Tokyo où résident tous ceux qui ont décidé de disparaître et de conserver l’anonymat. Là-bas on les appelle les johatsu , traduit en français par le joli mot « évaporés ». Ainsi Kazehiro devient « Kaze » et se fond dans cette société décalée où l’on vit entre parenthèses…
Yukiko, la fille de Kaze, qui apprend la disparition de son père, déserte immédiatement San Francisco où elle est installée depuis longtemps et se rend à Tokyo, avec la ferme intention de le retrouver. Pour accomplir avec elle ce périple, elle reprend contact avec Richard, son ex-amoureux. Richard est détective privé. C’est un homme en plein doute, avec une sensibilité exacerbée, aussi un poète à la dérive. Ils se sont aimés, Yukiko et lui, certes, depuis des lustres mais se sont percutés par leurs différences. Richard s’enthousiasme cependant de cet appel inattendu et accompagne sa belle Yukiko.
Arrivés sur place, pas la moindre trace du père ni le moindre éclaircissement sur sa disparition…
Et Yukiko, de retour dans son pays natal après une longue période d’exil aux U.S.A., entame une longue enquête… Tant Richard qu’elle-même sont indignés par le spectacle désespérant qu’offre ce Japon en plein chaos, balbutiant et retrouvant tant bien que mal un soubresaut d’espoir après le drame de Fukushima.
Alors que Yukiko et Richard approchent peu à peu la vérité, le rideau tombe sur la scène de ces clandestins qui survivent en marge de leur propre pays et la clef de l’énigme se verrouille…
Avec une vision un peu cruelle, l’auteur analyse et dissèque cette société meurtrie par le désastre climatique. Il nous parle aussi de cette geôle préservée, il nous livre ce qu’est devenue la vie de ces gens qui se sont tournés un beau jour vers un ailleurs sans passé, sans nom.
Par une écriture parfois dépouillée et un style pudique, gracieux et délicat, il esquisse le portrait de ces âmes déchues et de ces anonymes qui poursuivent un chemin de traverse en toute discrétion, mais déterminées à entretenir leur quête d’un bonheur si minime soit-il, même reclus, évaporés de la société…
L’auteur traduit à merveille l’univers japonais en s’immisçant dans les arcanes d’un quartier de Tokyo où règne un parfum de fin du monde mais au cours de cette promenade, une sorte de désenchantement et de lassitude s’installe dans le chef du lecteur, peut-être généré par les longueurs inutiles et la lenteur du récit.
Belles descriptions, qui s’éternisent hélas, de l’atmosphère désolée de ce Japon meurtri où se croisent trois personnages en perdition, en plein questionnement, abandonnés de la vie, victimes pour les uns de licenciement et pour les autres d’incompréhension, de désamour… Le personnage de Yukiko est un peu vide parfois tandis que Richard m’a plutôt émue.
Un petit bémol donc pour ce récit que j’ai tantôt dévoré – certains paragraphes sont accrocheurs, indubitablement – tantôt interrompu, un peu mitigée…
Les évaporés de Thomas B. Reverdy
Date de parution : 21/08/2013
Article publié par Catherine le 29 octobre 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois
Encore une sempiternelle biographie me suis-je dit en ouvrant ce roman reçu récemment d’une amie. C’est un auteur que je ne connaissais pas et j’ignorais donc tout de sa production littéraire…
Mais dès le début de la lecture, j’ai été gagnée par l’enthousiasme et n’ai pu détourner le regard de ce récit, fût-ce un court instant.
L’auteur installe le personnage phare de son roman à l’avant-scène et le met en exergue en dessinant avec délicatesse le portrait de sa mère, une femme difficile, tourmentée, victime de troubles psychologiques, de fragilité émotionnelle, tantôt instable tantôt décidée, qui a pris dans la vie et le cœur de l’auteur une place si grande qu’elle eût pu être asphyxiante. Pourtant derrière ces comportements maladroits et fébriles se cache un amour si grand, si fort pour un fils qui lui rend ici un hommage magistral, rempli d’émotion et de tendresse.
Entre les lignes l’on ne tarde pas à découvrir toute la problématique d’une relation mère-fils qui aurait pu tourner au drame, à la séparation si l’amour, celui-là au-delà de toutes les frontières, ne régnait pas en toile de fond.
Et la très belle plume de l’auteur donne au récit toute sa saveur. Il décrit à merveille cette relation tendue mais aussi riche de sentiments si puissants qu’elle rend le petit Richard dépendant même à l’âge adulte.
L’auteur ne se borne pas à nous conter l’histoire d’une mère un peu spéciale, un peu destructrice, un puits d’amour aussi. Au milieu de ce coin d’Amérique pas très rieur – peu de monde connaît Gloversville, une petite localité austère de l’État de New-York – Richard Russo grandit auprès de celle qui lui pourrit le quotidien, marche dans ses plate-bande chaussée de gros sabots qui laissent des traces indélébiles, lui bouffe l’existence et règne telle un geôlier attentif aux moindres écarts hors du chemin qu’elle lui a tracé et duquel il n’a pu s’échapper qu’au décès de celle-ci…
Entre les lignes, il dépeint aussi magistralement le tableau de ce petit coin de perdition, cette bourgade aujourd’hui moribonde mais qui naguère florissait grâce à une ganterie prestigieuse et où son grand-père paternel s’était installé.
Voici donc un coup de cœur, une lecture qui valait la peine de ne pas être abandonnée à cause d’a priori…
Ailleurs de Richard Russo
Date de parution : 12/09/2013
Article publié par Catherine le 20 octobre 2013 dans la catégorie
Grand vin
Résumé :
Une mère laisse son fils de 19 ans à la clinique psychiatrique de Zurich. Il s’agit d’Eduard Einstein, le fils d’Albert, qu’elle a élevé seule après le départ de son mari. Albert, lui, s’exile aux États-Unis en ces temps troubles des années 1930. Eduard se raconte, entre crises de schizophrénie, séjours à l’asile et traitements de choc, avec une intelligence rare et une étonnante lucidité. C’est sa vie méconnue que parcourt ce roman, où résonnent et s’entremêlent les faiblesses d’un génie, le drame d’une mère, le journal d’un dément. Eduard Einstein, a fini parmi les « fous », seul, délaissé de tous, jardinier de l’hôpital de Burghölzli. Une question hante ce texte: Eduard a-t-il été abandonné par son père à son terrible sort ? Laurent Seksik prête sa voix au fils oublié, et dévoile ce drame de l’intime avec beaucoup de justesse, sur fond de tragédie du siècle et d’épopée d’un géant.
Mon avis :
La face cachée des génies. La difficulté d’affronter. J’ai été à la fois révoltée, émue, dégoutée, pleine de compassion et de haine… Tous les sentiments y sont passés.. Comment abandonner son fils en hôpital psychiatrique ? et en même temps… Combien de personnes – génies ou pas – sont démunies devant la maladie, folie ou pas. Fuir, toujours fuir… pour sa vie (à cause de la situation politique) pour sa tranquillité d’esprit (mais fuir n’efface pas les problèmes). Un livre sensible, qui pose un regard mais ne juge pas. Un livre qui donne la parole à tous les protagonistes, qui expose tous les points de vue. Einstein, sa femme, ses deux fils. On apprend aussi beaucoup sur le début des traitements de la schizophrénie et des troubles du comportement. Les scènes de “démence” sont magnifiquement décrites, en pudeur et en subtilité. Le contexte historique est partie prenante de l’histoire. Alors oui, je recommande ce livre… et pas seulement pour en savoir davantage sur la vie cachée d’un grand génie qui a su se battre contre tout sauf contre sa filiation et ses sentiments envers ce fils pas comme les autres..
Extraits :
“Mon fils est le seul problème qui demeure sans solution. Les autres, ce n’est pas moi, mais la main de la mort qui les a résolus.”
“C’est, à vrai dire, sa cousine au second degré. Je ne comprends rien à cette histoire de degré. Zéro degré, il neige. Tout n’est pas à prendre au premier degré. Mais cousine au second degré ?”
Le cas Eduard Einstein de Laurent Seksik
Article publié par Yves Rogne le 18 octobre 2013 dans la catégorie
Grand vin
Liouba et son fils Enzo occupent dans les beaux quartiers de Paris un appartement luxueux que les propriétaires, absents la plupart du temps, ont mis à leur disposition à charge pour Liouba de l’entretenir. Enzo fréquente un établissement scolaire luxueux et élitiste qui ne lui correspond pas. Obèse, habillé en haillons, peu loquace, il trouve refuge chaque nuit dans les livres et les scénarios qui se dessinent dans sa tête. Ainsi, il devient le souffre-douleur de ses camarades de classe qui se livrent à un véritable travail de sape qui va des incessants quolibets et railleries que chacun lui adresse impunément jusqu’au harcèlement qui prend une tournure lourde de conséquences. Même le directeur du collège reste insensible à cette destruction morale. Chaque lundi matin dans ce collège maudit, Enzo déprime de plus en plus. L’adolescent aux antipodes lutte au quotidien contre la malveillance et le harcèlement de ses camarades de classe, se renfrogne et se claquemure…
Un récit qui nous ouvre les yeux sur les drames intérieurs et les injustices que l’exclusion engendre au quotidien dans notre monde actuel, un monde ingrat vissé derrière un écran à défaut de communiquer ou qui insulte et condamne à tout va celui qui est juste différent, juste sensible.
À travers une écriture de qualité, l’auteur parle aussi et surtout de l’intensité d’une relation mère-fils que rien ne peut bousculer. Les mots glissent et virevoltent avec élégance et harmonie. La vie de cette très jeune maman aux côtés d’un enfant différent à la sensibilité exacerbée est magnifiquement décrite.
Entre ces deux solitudes qui s’affrontent, viennent s’immiscer parfois les secrets, les ressentiments, le courroux aussi… La pression est omniprésente et remue les tripes.
Un roman d’une grande authenticité qui révèle les violences de notre monde sans âme, caché derrière les arcanes des réseaux sociaux… ou plutôt meurtri de solitude, muet…
Voici une auteure que je suis depuis longtemps. Je retrouve ici tous les ingrédients de quelques-uns de ses romans d’antan qui m’avaient conquise, où émotion et sensibilité se jouxtaient et donnaient toute leur intensité. Quelques déceptions parmi les derniers récits m’avaient rendue mitigée et mon enthousiasme s’était quelque peu essoufflé. Ce présent récit me donne un regain d’émerveillement…
Vérité, justesse et émotion embrasent les lignes d’un bout à l’autre de cette histoire grave et intense…
La nuit en vérité de Véronique Olmi
Date de parution : 21/08/2013
Article publié par Catherine le 13 octobre 2013 dans la catégorie
Grand vin
Marie, mannequin, défilait ce jour-là pour la collection automne-hiver… Nue, chaussée de talons hauts et enrobée de miel, elle se trémoussait au son d’une musique bien rythmée, sur un podium, escortée par un essaim d’abeilles alléchées par le doux nectar qui émanait de sa robe.
Voici le quatrième volet d’une composition chimérique que l’auteur a dédiée à sa compagne Marie.
N’ayant pas lu les trois premiers opus de cette saga, je ne peux donc me prononcer que sur ce dernier… Et là, que ne fût pas ma désillusion ! Dès les premières pages, le récit m’a plongée dans une véritable léthargie tant le rythme est lent, soporifique. Ainsi, de temps à autre survient un soubresaut, une ébauche d’histoire mais tout cela tombe rapidement dans l’ennui et l’immobilité. Bon, c’est un avis personnel…
L’auteur nous invite donc à l’accompagner d’un bout à l’autre du monde. Entre une douce villégiature à l’île d’Elbe et un vernissage au Japon, il suit une icône qui s’enfuit puis revient de plus belle dans sa vie, se pose à Paris pour reconquérir fût-ce un instant le cœur d’un homme qu’elle fait tournoyer dans le carrousel des sentiments.
Les personnages croisés dans cette litanie sont peu crédibles et se fondent au récit telle une glue insipide. Certes la justesse de l’écriture et l’authenticité du style sauvent un peu la longueur désespérante de certaines scènes et portraits des personnages qui s’y fondent mais certains paragraphes restent néanmoins diffus.
L’auteur chemine à pas de loup, entrecoupe sa balade d’incessantes escales et ne convainc pas le lecteur de poursuivre un sentier qui mène à un cul-de-sac…
Cependant, entre les lignes, l’auteur glisse çà et là beaucoup de sensualité et de poésie et l’on regrette peut-être que le portrait de Marie se noie dans d’interminables élucubrations, un peu dérisoires, voire un peu stériles…
Dommage…
Nue de Jean-Philippe Toussaint
Date de parution : 05/09/2013
Article publié par Catherine le 3 octobre 2013 dans la catégorie
vin de table
Un soir, alors qu’elle rentre de son travail, Rinco découvre son appartement désespérément vide. Tout a disparu, hormis la clef déposée par son compagnon sur la table du salon, parti sans laisser de mot… Plus un bibelot, plus de télévision et la cuisine pillée de ses ustensiles : un mortier de sa défunte grand-mère, une poêle Le Creuset hors de prix achetée avec ses premiers deniers, un tablier, tous objets auxquels elle tenait particulièrement.
Pétrifiée par ce spectacle désolant et effondrée par le vide laissé dans des lieux qu’elle partageait depuis trois ans avec son bel amour indien, Rinco perd la voix…
La voilà donc contrainte de retourner vivre dans son village natal de la campagne japonaise entre une mère exaltée et un cochon apprivoisé prénommé Hermès. Là-bas, elle tentera vaille que vaille de se reconstruire et ouvrira un restaurant à la philosophie originale, destiné à réveiller en chacun les joies et les émotions enfouies en proposant aux clients une cuisine inventive et subtile, censée rendre heureux.
Ainsi, Rinco sert des plats desquels renaissent les saveurs d’antan, issues des trésors de l’agriculture authentique. Elle fera d’étonnantes cueillettes de fruits rares, découvrira des épices aux vertus bénéfiques, agrémentera ses plats de saveurs délicieuses, servira à ses convives des légumes rares ou oubliés. Et la cuisine devient alors une invitation à la prière et à la méditation plus que la nécessité de se nourrir pour survivre.
L’auteur nous transmet tout ce qu’elle a en elle de trésors, l’amour de la vie, l’éveil des sens et la passion de la nourriture non comme un simple besoin vital mais plutôt comme l’essence même du bien-être et du retour aux sources.
Un récit éblouissant sur le don de soi, la recherche du bonheur à travers d’autres voies que celles de la psychiatrie ou de la médecine.
Rinco est émouvante et remplie de tendresse mais j’ai déploré que l’auteur se limitait parfois à nous transmettre l’expression de sentiments larvés et ténus plutôt qu’intenses et ardents.
L’écriture est pudique, sobre, sans fioritures mais elle manque un peu de profondeur. Quelques parcelles de poésie, comme celles auxquelles nous ont habitués les auteurs japonais font cruellement défaut. Point de magie ni d’éclat dans cette histoire à la thématique originale qui eût pu être traitée avec plus de vigueur et à travers une plume plus aboutie.
Une lecture qui excite les papilles gustatives autant qu’elle réjouit les cœurs mélancoliques… Un regard sur le pouvoir des saveurs culinaires en guise de thérapie de l’âme.
Malgré les quelques bémols évoqués plus haut et tenant de mon avis personnel, ce roman vaut la peine d’être dévoré sans tarder…
Le restaurant de l’amour retrouvé d’Ito Ogawa
Date de parution : 05/09/2013
Article publié par Catherine le 22 septembre 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois
« J’aime que tu aimes la vie simple que nous menons, que tu en jouisses avec moi du matin jusqu’au soir, du soir jusqu’au matin. J’habite une bulle rose à l’intérieur de laquelle je me serre contre toi, je t’aime. »
À travers les pages tournées d’un cahier rouge, une jeune fille découvre les tréfonds de l’âme de sa défunte mère. Celle qui ne laissait rien transparaître a couché ses secrets et dévoilé des années de passion dévorante pour un homme qu’elle a aimé plus que de raison. Elle parle aussi de toutes ces années de silence, de cette absence insoutenable, des jours de bonheur extrême et de l’insurmontable désarroi qui a suivi…
La jeune fille se délecte de ce récit de vie sur papier jauni et se décide à pousser plus avant les investigations, jusqu’à mener une enquête pour tenter de comprendre.
Histoire d’une banalité affligeante vous direz-vous…
Et pourtant l’auteur nous captive et nous enchante. Le voyage à travers les lignes de ce carnet intime est empreint d’amour, de sensibilité, de tendresse, de mélancolie aussi.
Ainsi donc, la jeune femme se rend en Sicile pour découvrir l’univers de Ninon, une mère courageuse, battante, férue d’art, amoureuse d’un homme partageant les mêmes passions, qui lui échappe un jour.
Outre l’amour et la passion qui embrasent chaque ligne, le récit regorge aussi d’une grande richesse culturelle puisque l’on s’imprègne de la description des tableaux admirés dans les galeries d’art fréquentées par Ninon et son amoureux. Tel un guide de musée, l’auteur nous parle de façon magistrale des toiles de grands peintres, relate avec talent l’aura qui émane de ces œuvres et les sentiments éprouvés par les visiteurs sensibles et exaltés.
Un roman indubitablement émouvant. La narratrice nous convie à la suivre pour une balade insolite dans le cœur et l’âme désormais au repos de sa mère mais renaissant entre les lignes d’un cahier où se côtoient les sentiments les plus forts, l’amour à son paroxysme, pourtant si fugaces, si précaires dans le cœur d’une femme qui ne se dévoila jamais et se borna à cloisonner ses enchantements et ses douleurs dans un écrin de rouge vêtu.
La plume est tantôt majestueuse et le style bien rythmé et l’on est porté d’un bout à l’autre du récit sans jamais le quitter des yeux, le cœur tantôt en émoi, tantôt bouleversé et mélancolique.
Une beau livre de vie, certes… Cependant quelques romans plus anciens m’avaient laissé de meilleurs souvenirs, tels « Vue sur mer » et « Les heures chaudes ».
J’ai donc refermé ce dernier livre l’âme ravie au début et plus mitigée ensuite…
Des jours parfaits d’Annie Lemoine
Date de parution : 15/05/2013
Article publié par Catherine le 15 septembre 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois
Présentation de l’éditeur :
En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires individuelles.
Mon avis :
Ravensbrück. Un endroit dont elles n’avaient jamais entendu parler. Un point de chute pour ces femmes de tous pays déportées en Allemagne. Elles arrivent par wagon dans un lieu dont elles ignorent tout, pour survivre dans un lieu et des conditions qu’on ne peut pas même imaginer. Un livre poignant, qui vous prend aux tripes. Un voyage au bout de la résistance, dans l’horreur des camps de concentration. Un voyage aussi au bout de l’espoir. Une leçon de vie. L’humain dans l’inhumain.
Des portraits de femmes qui se battent, s’aident, montrent que la volonté de croire en la vie peut être plus forte que tout. Une solidarité au-dessus des races, des langues, des nationalités pour que la grossesse, synonyme de mort dans les camps se transforme en victoire de la vie sur le destin de mort. En face, la monstruosité, mais quelques lueurs d’humanité, à peine dévoilées et bien occultées pour pouvoir s’exercer malgré tout…
Un livre aussi tout en pudeur au milieu du putride. Un livre qui marque, incontestablement. Un livre dur mais empreint de douceur malgré tout, pour tenter de survivre ou de faire survivre. L’inimaginable, l’impensable, l’indescriptible est décrit. Un témoignage implacable et un message d’espoir. À lire absolument mais en sachant qu’on n’en sort pas indemne.
Kinderzimmer de Valentine Goby
Date de parution : 15/08/2013
Article publié par Yves Rogne le 15 septembre 2013 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé