Édouard rentre de vacances et sur le quai d’une gare, abandonne sa femme et sa valise, sans la moindre explication… Si, peut-être serait-ce cette vielle dame anglaise rencontrée quelques instants avant à qui il donne un coup de main, qui l’intrigue… Il apprend qu’elle se rend à Brocéliande pour se reposer et écrire un roman. Ni une ni deux et encore épouvanté par son attitude insensée, il décide de partir avec la vieille dame et se réfugie dans une chambre d’hôtes bordée d’arbres centenaires. Là-bas, il fait la connaissance de la délicieuse Gaëlle et de son fils, le mystérieux Gauvain, claquemuré dans le mutisme et porteur d’un effroyable secret. Et puis il croisera aussi Raymond, qui s’exprime dans un vocabulaire désuet, et la jeune Adèle, aussi énigmatique que Gauvain.
Voilà Édouard tout à coup plongé dans un lieu qui rappelle les contes d’antan. Au milieu de ces personnages plus troublants les uns que les autres, entre la vieille romancière, le chat espiègle toujours à rôder dans le sillage du gîte et l’hôtesse du lieu, un peu rebouteuse, guérisseuse des âmes en perdition, il règne une atmosphère énigmatique. Et Édouard se laisse porter par la magie des légendes de l’endroit.
Peu à peu, il prend goût à ce séjour improbable, s’émerveille de la nature luxuriante des alentours, se remet en question aussi.
Avec une infinie délicatesse, l’auteur nous dessine les sentiments enfouis dans les cœurs et les âmes, qui renaissent enfin, purs et intimes, trop souvent scellés et refoulés par trop d’indifférence et faute de les avoir exprimés et donnés.
Un roman délicieux qui met en exergue la simplicité des choses devant laquelle on passe sans guère s’émouvoir ou s’attarder, des bouts de vie, de rien, qui deviennent enchanteurs aussitôt qu’on les savoure pleinement, tous ces petits riens, ces éclats de bonheur passés inaperçus tant que l’on n’y prêtait attention…
Une ode à la valeur des choses et une invitation à la quête de soi, à travers les autres que l’on croise mais ne regarde plus…
Se le dire enfin – Agnès Ledig
Date de parution : 26/2/2020
Article publié par Catherine le 7 avril 2020 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
Afin d’intégrer le prestigieux stage de méditation Vipanassa qui se tient en Bourgogne, il faut respecter la condition sine qua non : aucun contact avec l’extérieur pendant onze jours. C’est peu de choses vous direz-vous…
Hélène, en plein désarroi, est accablée par le désastre de sa vie sentimentale et de son couple qui bat de l’aile. Sur les conseils d’un ami et pour tenter de calmer sa désolation et peut-être, qui sait, retrouver un semblant d’équilibre ou mieux encore d’ardeur, de passion, elle organise son départ loin de ses jumeaux de cinq ans, abandonnant tout de go son mari Sébastien en pleine perdition. Vaille que vaille, elle s’accroche à ce stage de méditation qui la laisse exsangue, lasse, inapte à gommer les zones d’ombre qui séjournent dans sa pensée. Hélène fléchit… Va-t-elle se ressaisir ?
Et pendant ce temps suspendu, Sébastien encaisse difficilement le choc de la séparation brutale qui survient en même temps que la colère et l’indignation du monde sous le joug des faits du 11 septembre 2001, qu’il lui revient de relater puisqu’il est journaliste. Et tandis qu’Hélène, loin des vacarmes et de l’agitation, médite dans le silence, se ressource dans la contemplation, retrouve peu à peu une paix intérieure. Cette vie en mode ralenti lui fait ainsi oublier un mari fébrile, agité, qui lui ôtait l’envie de partager encore un quotidien sans complicité ni émoi.
À travers ces deux héros, l’auteur nous dessine subtilement l’histoire de deux âmes meurtries aux antipodes l’une de l’autre et nous convie à suivre leur chemin de révolte, de détresse puis de reconstruction par la quête d’une sérénité intérieure pour la première et la réflexion sur le fondement de la douleur et son impact pour le second. Deux personnages à mille lieues l’un de l’autre qui se déchirent à force de faire semblant, de non-dits qui deviennent pesants. Et au cœur de ce couple défait, les hommes survivent, le monde chancèle et s’évanouit dans le bourdonnement des nuées d’humains qui ont arrêté de s’écouter dans leurs douleurs et leurs meurtrissures, qui se bornent à camper dans leur agressivité et leur hargne.
Si seulement l’humain pouvait essayer d’échapper, fût-ce quelque temps, à la sauvagerie, la virulence du monde et se laisser aller à la méditation, la poésie, l’art de vivre loin des tourments et des tumultes. Pour survivre, guérir peut-être… Tel est le message distillé par l’auteur dans un style limpide et sous couvert d’une plume délicate et raffinée.
Un rai de lumière dans un monde en noir et gris. Un sémaphore pour nous guider dans une trajectoire semée d’embûches, la vie…
À lire sans attendre.
Sankhara par Frédérique Deghelt, éd. Actes Sud
Date de parution : 8/1/2020
Article publié par Catherine le 30 mars 2020 dans la catégorie
Grand vin
“Ce qu’on va faire, c’est un braquage. Mais un braquage sans violence, sans arme, sans otage et sans victime. Un braquage tellement adroit que personne ne se rendra compte qu’il y a eu un braquage et si personne ne se rend compte qu’il y a eu un braquage, c’est parce qu’on ne va rien voler. On ne va rien voler, mais on aura quand même pris quelque chose qui ne nous appartenait pas, quelque chose qui va changer notre vie une bonne fois pour toutes.”
Alice, 40 ans, auparavant vendeuse de chaussures, à présent sans travail depuis longtemps et bientôt déchue de ses droits à une allocation de chômage, essaie par tous les moyens de gagner quelques euros par ci par là, afin de permettre à son fils de recevoir une éducation décente. Achille, né d’une nuit avec Nathan, qui l’a quittée dès après avoir appris qu’elle était enceinte.
Le gouffre financier s’agrandit de jours en jours et elle se retrouve surendettée, aux abois. Pour tenter de survivre, la pauvre Alice décide d’écrire un best-seller, un roman « feel good » rempli de messages qui exhalent le bonheur et les bons sentiments. Pour la soutenir dans ce projet, elle choisit de se faire conseiller par Tom, un écrivain médiocre, dont l’épouse déçue décide le quitter. Entre eux naît une sorte d’histoire de deux perditions, deux âmes démunies, qui ont décidé de se battre sous le joug d’un monde cruel et sans compassion, dénué de sensibilité et de respect pour les désœuvrés, les pauvres, ceux qui frémissent d’approcher la fin du mois sans le sou.
Alors comment garder la tête hors de l’eau dans ce monde qui juge, toise, méprise les exclus ? Et comment écrire un récit qui fait du bien au cœur, quand les lendemains ne sont que mouillés de larmes et nourris de peur et d’angoisse ?
L’auteur a réussi une prouesse. Et plutôt que de nous plonger dans la désespérance, il fait un virage à 180°, évitant en cela de nous saper le moral. Il choisit de se livrer à une acrobatie périlleuse, tel un trapéziste sans filet et nous convainc que derrière le plus grand désarroi se cachent des étincelles de bonheur qui ne cherchent qu’à être ravivées. Il nous livre un récit sur l’incertitude du lendemain, l’instinct de survie dans un monde où la pauvreté et la précarité sont considérées comme des maladies incurables, car elles ne contaminent que les gens de peu, les pas gradés. Un roman qui aurait pu faire sombrer le lecteur dans la sinistrose si Thomas Gunzig s’était borné à nous esquisser un tableau miséricordieux et funeste. À travers ses personnages émouvants et pleins de candeur, il nous invite à suivre leur travail acharné d’écriture, l’élaboration d’un livre, la reconstruction d’un avenir.
L’histoire d’une renaissance et aussi un clin d’œil goguenard au monde littéraire, qui ne gêne pas le moins du monde l’auteur, habitué à jongler avec les exactions.
Un pamphlet social doux-amer que je vous recommande vivement…
Feel Good, par Thomas Gunzig, éd. Au Diable Vauvert
Date de parution : 22/8/2019
Article publié par Catherine le 17 octobre 2019 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes pour Jean et Claire Farel. Ils forment un couple solide et mènent une vie sans anicroches. Jean est à la fois journaliste de renom et politique français, son épouse Claire est réputée pour ses engagements féministes. Leur fils est étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semblait leur réussir jusqu’au jour où une accusation de viol va faire basculer leur édifice…
Ainsi, le sexe, la fougue et l’appétit du risque mèneront droit dans le mur ce couple si parfait.
Le décor est planté et l’on se plonge tout de go dans cette intrigue sulfureuse menée de main de maître. Dès les premiers chapitres, l’auteur nous présente les principaux protagonistes. D’abord Claire, essayiste féministe, Jean son ex-compagnon, journaliste habitué des émissions télévisées, puis Adam, le nouveau compagnon de Claire, et enfin Alexandre, le fils de Claire et Jean, qui poursuit de brillantes études à l’Université de Stanford.
L’auteur dissèque avec une grand précision l’âme de ses personnages jusque dans leur intimité la plus profonde, analyse leurs failles, leurs déviances, dépeint les contours de leur âme dans ce qu’elle a de plus vil.
Au fil du récit, on s’abreuve de ce philtre aux saveurs amères et l’on se régale de cette plume que l’auteur emprunte à Balzac pour sonder le monde intellectuel qui s’emballe et perd pied devant les remparts médiatiques et judiciaires et le courroux nés de la question du viol.
Petit à petit, on attend le débordement que l’auteur qualifie de « diffraction », lorsque les vents contraires se déchaînent et couchent à plat les héros. Le jugement dernier, c’était donc le sexe, rien que cela. À partir de là, le récit s’emballe et tressaute, nous entraîne dans un ballet fougueux et rythmé. Quel personnage sera le détonateur et comment les protagonistes qui l’entourent vont-ils réagir ? Seront-ils bouleversés ou fébriles suite au chaos qu’ils ont subi ?
Et l’auteur de nous promener avec clairvoyance entre les thématiques d’aujourd’hui, la frénésie des médias, la controverse entre le consentement et le viol, les témoignages de toutes sortes, les « moi aussi j’ai connu ça ». Au milieu de ce huis clos, se débattent des personnages attachants mais aussi pleutres voire ignobles.
Le personnage de Claire sort néanmoins du lot, elle qui voit ses certitudes chavirer, ses convictions philosophiques dégringoler et avec cela tout ce qu’elle a pu ériger, s’effondrer comme un château de cartes. Et nous lecteurs nous sentons quelque peu désarçonnés face à cette histoire de viol dont on ne connaît que peu d’indices et de réponses, rendant ainsi l’atmosphère du roman un peu malsaine.
L’auteure pose des questions de société, de comportement, analyse avec minutie la difficulté des relations humaines quand les obstacles surgissent mais elle évite toujours de se heurter à la sensiblerie et aux clichés.
Un récit subtil et brillant.
Les choses humaines de Karin Tuil, éd. Gallimard
Date de parution : 15/9/2019
Article publié par Catherine le 2 octobre 2019 dans la catégorie
Grand vin
« Je veux remettre à plat le sens de mon combat et rappeler toujours et encore la place qui doit être rendue aux animaux. Ils m’ont sauvée, dans quelle mesure je les sauve moi ? »
L’humain a donc atteint le paroxysme sur l’échelle de la cruauté et l’ignominie… Nous voilà dans un monde sans foi ni loi, dénué de la moindre sensibilité. Combien de consciences à remuer, de cœurs à bousculer, d’hommes à remettre sur le droit chemin ? Aujourd’hui, la nature est dévastée, la cause animale est bafouée, des races d’animaux disparaissent sous le joug de la race humaine abjecte et destructrice. La pollution s’étend de plus en plus allant jusqu’à dévaster les forêts, les océans, laissant les animaux sans ressources. Ainsi, l’homme détruit à tout va pour entretenir son ego démesuré et fait souffrir les animaux pour satisfaire sa perversité…
C’est ce que dénonce la grande Dame du cinéma, devenue l’immense protectrice des animaux. Dans ce manifeste, elle nous parle des combats de sa vie, et sans doute celui-ci sera-t-il le dernier puisque la merveilleuse Dame a 83 ans.
Ainsi, elle fait le compte à rebours de ces décennies de combats qu’elle a menés avec force et courage. Avec beaucoup d’humilité, elle livre et dévoile le pan de sa vie après sa rupture avec le cinéma pour se consacrer désormais au bien-être des animaux. À travers de nombreuses réflexions autour de la cause animale, la place de celui-ci auprès de l’homme et de la relation qu’il entretient avec les animaux. Elle se rebelle une fois encore devant l’injustice qui leur est faite, la cruauté et le sadisme dont ils font l’objet.
Au fil des pages, elle nous relate ses engagements pour les animaux, ses batailles, de défaites en victoires. Mais elle entoure ses lignes d’espoir et nous livre en filigrane toute la douceur et la plénitude que lui confère le royaume animal.
J’ai tardé à donner mon modeste avis sur ce livre magnifique déjà paru en 2018, profitant de sa sortie en livre de poche en janvier 2019. Je conseille vivement cette lecture à tous ceux qui, comme moi, sont résolument opposés à la souffrance animale, à tous ceux qui comme moi sont des militants acharnés pour que cesse l’exploitation des animaux quelle qu’elle soit, pour tous ceux qui, comme moi, abhorrent les cirques, les zoos et tous ces antres d’enfer, les divertissements insensés et cruels, tels les corridas, aussi et bien entendu l’expérimentation animale…
Et pour remuer les consciences, si tant est que certains humains en aient une…
“Ce livre, ces Larmes de combat, serait donc mon legs. Ce texte testamentaire portera à jamais ma conviction, mon abattement et mes espérances. .. . En cette Sainte-Brigitte, j’ai donc compris qu’un jour, pas si lointain peut-être, là où je serai, je sentirai ce souffle de vie pour lequel j’ai lutté toute mon existence. Un souffle vivifiant, puissant et novateur. Un souffle invincible venir de celles et de ceux qui parviendront à ouvrir à jamais les grilles de ce monde immenses de rêves et de douleurs muettes qu’est l’animalité. Mon passage sur terre n’aura donc pas été vain. Et mon âme sera enfin en paix”
Larmes de combat, de Brigitte Bardot, éd. Plon
Date de parution : 25/1/2018
Article publié par Catherine le 5 mai 2019 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
« J’avais connu une succession d’hommes, pourtant je passais davantage de temps à imaginer l’amour qu’à le vivre. J’avais si peur de la réalité.
Et puis je retrouve Gabriel, croisé au lycée, à quinze ans. »
Ils sont à mille lieues de l’autre. Lui, musicien solitaire, n’aimant pas les mondanités, elle encroûtée dans son milieu intello bourgeois. Ils ne s’étaient plus revus depuis l’adolescence et se retrouvent à présent, tous deux cinquantenaires. Avec lui, tout est si doux, si simple. Entre les croque-monsieur des enfants et les dîners improvisés sur un coin de table dans la cuisine, il lui fait l’amour dans un canapé. Avec lui, elle savoure les caresses et s’émeut des courbes de son corps, réactive sa sensualité un peu oubliée, s’abandonne au creux des bras de son amant, redécouvre le plaisir. Avec lui aussi elle apprend à nager le crawl. Elle se retrouve hissée au faîte de l’amour, la peur au ventre pourtant… Car la chute pourrait être vertigineuse. Ainsi elle s’interroge… Et s’il se lassait, s’il s’éloignait, pire, s’il la quittait. Elle qui jusqu’ores collectionnait les rencontres décevantes…
Ainsi, pendant les neuf mois d’amour, elle n’avait cessé d’être inquiète, de l’imaginer courant vers d’autres bras, accidenté de la route, blessé, voire mort. Jusqu’au jour où, après quelques brasses et dos crawlé, imaginant le pire , elle sort de l’eau, se précipite sur son portable et ne peut retenir son souffle lorsqu’elle découvre les douces lignes qu’il lui avait laissées, les messages qui se succédaient, tous remplis d’amour et du désir de la voir se hâter vers lui qui l’attendait à l’entrée de la piscine. Rassurée mais perplexe, elle devait désormais se familiariser avec l’Amour.
Un roman succinct qui sonne comme les prémices du printemps après le rude hiver, comme l’éclosion d’une fleur sortie de son bulbe, endormie sous la couverture de gel et de froidure.
Et l’auteur de nous convaincre qu’à 50 ans, il suffit d’une étincelle pour raviver les braises refroidies, un regard, une rencontre improbable, un rayon d’amour pour nous mettre en émoi et se réjouir des lendemains…
Dans cette chronique d’un amour improbable, c’est Gabriel qui me touche plus particulièrement. Pour ce qu’il donne de plus beau en lui, sa simplicité et sa sensualité délicate lorsqu’il dessine les contours du corps de son aimée ou glisse sur le dos dans la piscine pour la rejoindre dans une douce aquatique.
Doux, frais, délicat. Une lecture qui fait du bien, même si l’on se désole un peu de la banalité du propos.
La tendresse du crawl de Colombe Schneck
Date de parution : 6/3/2019
Article publié par Catherine le 8 avril 2019 dans la catégorie
Cru bourgeois
« Pendant toute l’après-midi, Mathilde avait repensé à cette expression : nager dans le bonheur. Que se passe-t-il quand on atteint le rivage ? »
Mathilde a 30 ans et vit une belle histoire d’amour avec Étienne. Professeur de français dans un lycée, elle est férue de littérature et particulièrement de Flaubert et son roman « L’éducation sentimentale ». Une passion qu’elle partage avec ses élèves. Elle aime profondément son compagnon Étienne. Et lorsque celui-ci, lors d’un voyage en Croatie, lui demande sa main, Mathilde est plus heureuse et plus épanouie encore.
Quelque temps plus tard, Étienne se montre distant, embarrassé. Mathilde le bombarde de questions et il finit par avouer qu’il a croisé Iris, son ex-compagne, que ses retrouvailles l’ont bouleversé et que sa place est désormais auprès d’elle, la femme de sa vie. Le monde de Mathilde bascule alors. L’édifice solide qu’elle avait construit naguère s’effondre sous le choc des paroles d’Étienne qui s’abattent sur elle comme un couperet et des vents contraires qui s’acharnent contre elle. S’ensuivent alors la déprime, puis la faute professionnelle qui lui vaudra un licenciement, et enfin la perte de son appartement. Mathilde ne sait plus à quel saint se vouer pour retrouver un semblant d’équilibre. C’est alors que sa sœur Agathe vient à son secours et tente de la sortir d’une perdition certaine. Il était moins une car Mathilde dépérit et chancèle… Mais l’appartement d’Agathe est exigu et autour d’elle il y a Frédéric, son mari, et sa fille Lili. Et même si chacun y met du sien et de la bonne volonté, le petit logis d’Agathe devient une sorte de geôle imposée.
Comment survivre pour Mathilde dans ce huis clos suffocant ? Tour à tour, elle fait montre de en se remettant en question, sera même serviable et dévouée. Mais très rapidement la jeune femme deviendra agaçante, voire intruse. Le lecteur sera lui aussi pris au dépourvu, trouvant de prime abord la jeune sympathique et lui donnant mille excuses pour ses dérapages, nous gardons bien de la juger, l’estimant même piégée par un compagnon goujat et irrespectueux, la laissant à la dérive.
Ainsi l’on se désole de suivre Mathilde dans cette histoire de rupture inopinée, sans le moindre signe avant-coureur, mais moult réflexions foisonnent dans notre esprit, et l’on pardonne à Étienne d’avoir fléchi devant ce cœur oublié quelque temps et reconquis à présent, parce que tout simplement peut-être, vulnérable, il se sentait un peu trop prisonnier d’une histoire d’amour qui le retenait dans le chemin tout tracé qui ne lui correspondait pas…
Je me suis hâtée vers la librairie pour me procurer le dernier opus de David Foenkinos que j’apprécie pour sa plume souvent mouillée d’émotion et de sentiments. L’on connaît moins cette facette plus sombre de l’auteur. Ici, il dessine au vitriol le portrait d’une femme qui perd pied, elle qui coulait des jours heureux entre amour et travail, elle qui savourait la douce quiétude d’un bonheur ronronnant, la promesse d’un lendemain sans nuages. L’auteur nous plonge dans les arcanes de douleur et de désespérance.
L’auteur de l’excellent roman « La délicatesse » se fourvoie un peu dans cette histoire d’une banalité affligeante de rupture amoureuse comme il y en a des milliers…
Deux sœurs de David Foenkinos
Date de parution : 21/02/2019
Article publié par Catherine le 17 mars 2019 dans la catégorie
Cru bourgeois
Denis et Martin, deux amis de trente ans se retrouvent dans un appartement vide. L’un est un comédien quelconque, l’autre un dramaturge manqué… Le premier vend l’appartement et a insisté pour que le second soit présent lors de la signature du compromis, afin de rassurer l’acheteur pense-t-il. Car s’il écrit de très mauvaises pièces, il a quand même une bouille rassurante, qui inspire confiance. Est-ce donc là sa seule qualité ? Le candidat acheteur tarde à arriver et les deux amis bavardent de tout et de rien pour passer le temps. Ainsi l’on se moque, se lance des flatteries, des fleurs, puis des épines, car la conversation dérape rapidement, devenant blessante voire insultante. Et petit à petit, on se lâche et dévoile tout ce que l’on retenait naguère. Nous sommes en mai 1981, le Président Mitterrand va entrer en fonction. Voilà un sujet qui donne d’emblée de longs débats, des discussions qui s’échauffent et rendent les deux amis de plus en plus nerveux.
L’acheteur arrive enfin, Dans ce huis clos suffocant, le voilà bien embarrassé de se retrouver en plein règlements de comptes entre les deux amis. Va-t-il faire montre de délicatesse et s’éloigner de la querelle ou a contrario prêter son aide et devenir médiateur et tenter de mettre d’accord les deux amis conflictuels, ou enfin se retrouver la seule victime de cette visite d’appartement qui tourne mal et de la signature d’un compromis qui prend des allures de remise en question, de résolution d’une vente.
Un régal que ce roman succinct qui est en réalité une pièce de théâtre. L’auteur fait entrer des personnages aigris par la vie et de piètres carrières de dramaturge pour l’un et comédien pour l’autre se retrouvant par un après-midi de mai à refaire le monde dans un appartement vide, sans atout, moche mais qui a tout de même trouvé acquéreur ou naïf…
Une danse de mots et de répliques enlevée et jubilatoire pour cette troisième pièce de théâtre de Philippe Claudel, servie sur scène par deux grands derrière les rideaux, à savoir Pierre Arditi et Michel Leeb…
À lire certainement et à voir aussi…
Compromis de Philippe Claudel, éd. Stock
Date de parution : 1/1/2019
Article publié par Catherine le 3 mars 2019 dans la catégorie
Grand vin