Teddy, pianiste de jazz renommé, vient de décéder. Sa fille Nina doit se rendre chez un notaire à Hazebrouck afin d’y recevoir lecture du testament qu’a laissé son père, cet homme solitaire qui l’a élevée seul et a préféré mourir seul. La lecture des dernières volontés de Teddy remue la mémoire de Nina et fait ressurgir une multitude de souvenirs enfouis jusqu’ores…
Ainsi, l’étude du notaire devient une sorte de confessionnal où se livrent de troublants aveux, qui vont de mensonges en non-dits, d’énigmes en surprises inattendues. Et dans ce huis clos étouffant, naît aussi l’espoir d’un lendemain de bonheur, l’amour larvé qui résonne en écho.
Et dans ce chaos, ce cortège de douleurs, Nina se révolte, pleure ce Papa distant et solitaire – sa seule famille -, désespère, explose. Se réjouit parfois aussi, des souvenirs heureux, des joies fugaces. Car, indéniablement, demain elle guérira de ses blessures. Puisque certaines vérités peuvent sauver la vie, il ne reste plus qu’à donner un coup de balai aux rancunes d’antan et à s’arcbouter sur un avenir meilleur.
Quatre mains vibrantes d’émotion pour ce récit intime qui parle de la vie après la mort, de la perte, de l’abandon, d’une renaissance aussi, parce qu’autour d’un événement tragique, de nouvelles fenêtres s’entrouvrent qui laissent entrer un rai de lumière, de nouveaux horizons se dessinent, tandis que se tissent de nouvelles espérances. Les deux plumes réunies pour cet opus sont délicates, remarquables. Dans le message livré par les auteurs, chacun de nous se retrouve un peu et nous nous voyons tous à la place de Nina lorsque sonne le glas de la perte d’un être cher.
L’histoire pourrait ronronner doucement mais de nombreux retentissements inattendus viennent lui donner un nouveau souffle et une rythmique bien menée. Le trouble et l’émoi s’immiscent entre chaque ligne, la tonalité gris foncé du message se colore de bleu pâle, prémices à des jours meilleurs.
Quand tout s’effondre, il y a souvent une petite étoile qui veille…
Kyrielle Blues de Véronique Biefnot et Francis Dannemark, éd. Castor Astral
Date de parution : 11/02/2016
Article publié par Catherine le 25 avril 2016 dans la catégorie
Grand vin
Un homme écrit à la femme qu’il aime. Gravement malade, elle lutte dans un hôpital parisien. Il lui demande pardon. Pour tous les tumultes qui raisonnent en écho, les fracas incessants de la vie, les voyages incessants d’un bout à l’autre de la terre, les désordres d’une âme meurtrie, pour les mots d’amour tus ou prononcés trop tard, aussi pour cette vie qui va changer désormais. Il lui parle de la joie, du bonheur avant qu’ils ne s’en aillent. Il fête la liberté avant qu’elle ne soit dédaignée, se remémore les soubresauts de plaisir d’une peau aimée, la jouissance d’une caresse. Et dans ce compte à rebours des souvenirs, il voit le jour étreindre la nuit, car il y a encore tant de vies, tant de soleil à espérer.
À travers une sorte de journal de l’existence, l’auteur dévoile les éclats de la vie, entre les bonheurs simples qui inondent le cœur, réjouissent l’âme et deviennent douleurs et supplices lorsqu’ils s’en vont.
L’auteur nous livre un psaume à l’amour et à la quiétude. La plume est magistrale, les mots vous transpercent le cœur, raisonnent en écho dans l’âme.
Il n’y a guère d’histoire, avec un début et une fin, il y a juste quelques mots d’amour couchés sur le papier par un homme meurtri, en hommage à celle qui le quitte insidieusement, frappée par la maladie. Naguère voyageur, jetant l’ancre dans les ports de multiples exils, il revient en implorant le pardon de celle qu’il a toujours aimée. Une promenade dans le passé, où il se souvient aussi des amis disparus, de ses multiples échappées d’un coin à l’autre de la terre, de ses amours perdus, de ses incessantes fuites loin de l’aimée.
Un huis-clos entre deux âmes blessées, l’une quémandant le pardon et l’autre suppliant le Ciel de lui laisser vie…
Tout simplement émouvant.
Toutes nos vies de Stéphane Guibourgé, Éditions du Rocher
Date de parution : 25/01/2016
Article publié par Catherine le 18 avril 2016 dans la catégorie
Grand vin
Yann et Nicolas, bientôt trentenaires, sont des amis inséparables. Tandis que Yann s’envole pour le Japon, Nicolas part en Angleterre pour démarrer une autre vie, croiser d’autres paysages, et surtout oublier Julie, la sœur de Yann. Ou la retrouver… Car sa belle amoureuse s’est échappée là-bas il y a plusieurs années, sans donner signe de vie ni laisser quelque adresse.
Nicolas désespère… Entre ses collègues de bureau drogués et alcooliques, les délires de Mrs Pimbelton, une vieille dame passionnée de thé et de langue française, il perd peu à peu ses repères.
Ainsi, il nourrit un seul objectif, tailler la zone malgré la météo incertaine, rejoindre l’élue de son cœur coûte que coûte. Et il la retrouvera, lui déclarera sa flamme, se prosternera devant elle, alors même que celle-ci se marie en ce fameux jour de leurs retrouvailles…
Nous voici promenés d’un bout à l’autre de l’Angleterre, sous un ciel désolé entre gris clair et bleu délavé, nous réjouissant de succulents dialogues dans la langue de Shakespeare (traduits pour la plupart car tout droit sortis d’un jargon plutôt alambiqué…)
S’ensuivent alors une série de péripéties inattendues, improbables, qui ne peuvent être dévoilée ici sous peine d’ôter au lecteur impatient l’envie de surprise.
Avec une plume corrosive, mouillée d’acide, l’auteur dessine les déboires et les plaisirs de la vie d’expatrié. Les amours aussi… Le récit se lit comme un scénario de film plutôt qu’un roman car, même s’il y a certes de beaux passages il n’en reste pas moins dommage que l’écriture soit ponctuée de mots et expressions faciles et tronquées, exemptées pour certaines de la négation, ce qui rend la lecture malaisée voire dérangeante.
Un drame romantique qui exhale un parfum aussi désuet que les roses séchées et les bonbons anglais.
Troublant, délicat et so british…
Julie’s way de Pierre Chazal, éd. Alma
Date de parution : 14/01/2016
Article publié par Catherine le 10 avril 2016 dans la catégorie
Cru bourgeois
« Combien de fois ai-je senti la terre fondre sous mes pieds, senti la boue dans mes veines ? »
Sur une île au large de l’Islande, Hildur vient enterrer Siggy, sa mère. Et c’est le le déluge de souvenirs… Hildur gamberge, s’étonne de l’absence aux obsèques de son frère Pétur. L’atmosphère est lourde et mille questions surgissent alors, surtout celle, fondamentale, qui concerne l’étrange relation qu’entretenait Siggy avec ses enfants, aussi curieuse que celle qui la liait à son compagnon Kafka.
Ainsi Siggy s’en est allée si discrètement en laissant derrière elle une maison sur l’île de Flatey et son éternel égoïsme, qu’elle porte encore au-dessus d’elle comme une épée de Damoclès. Celle qui depuis toujours brillait par son absence a refermé un cahier de souvenirs inédits, extravagants, là-bas dans un coin de nulle part, un bout de terre accroché à l’océan, sous les cris des phoques et des oiseaux marins.
Mais Hildur n’oubliera pas et porte en elle la mémoire de son enfance auprès d’une mère qui n’avait pas la fibre maternelle, qui se mourait au quotidien de désolation, de sinistrose dans sa maison au bord de l’océan. Une femme qui menait une vie insensée, décalée, qui montrait des attitudes frisant la folie. Ainsi, il lui arrivait de se baigner tout habillée en se lamentant d’assumer à contre-cœur son rôle de mère.
Et Hildur n’avait d’autre refuge que celui de Laretta, sa grand-mère, pour apaiser sa tristesse.
Un texte aux notes poétiques où l’imaginaire et le fantastique frôlent la réalité d’une réconciliation entre mère et enfant, même si celle-ci arrive enfin lorsque sonne le glas de la mort.
La plume, certes belle parfois, et l’atmosphère du lieu qui invite à la rêverie ne sauvent cependant pas cette histoire à mi-chemin entre improbable et évidence…
J’ai toujours ton cœur avec moi de Soffia Bjarnadottir, éd. Zulma
Date de parution : 07/01/2016
Article publié par Catherine le 3 avril 2016 dans la catégorie
Cru bourgeois
Avec les yeux d’une psychanalyste, ce qu’elle est, elle observe l’homme qu’elle l’aime dans tous ses contours. Et celui qui partage sa vie depuis longtemps se retrouve un peu comme un objet de musée, admiré pour ses qualités indéniables mais aussi pour ses maladresses, ses faux-pas, les traits de sa personnalité, tantôt adorables, tantôt agaçants. Ainsi l’on apprend que l’homme de sa vie est obnubilé par la propreté, le rangement, ne porte que des slips français, lui sourit et l’étreint quand elle traverse l’appartement.
Entre journal intime et essai, l’auteur s’épanche, se livre et épluche chaque parcelle de la personnalité de son compagnon. Et Monsieur semble être un grand séducteur, s’il faut croire ce qu’en dit l’auteure. Un compagnon idéal, certes, qui la met en émoi ou l’énerve. Rien de bien original dans ce portrait qu’elle tisse avec amour, humour, dérision parfois. Un homme bien ordinaire en quelque sorte.
Certes l’amour s’immisce entre les lignes de ce court roman – et c’est bien là le rare intérêt qu’on peut lui trouver… – mais l’on ne sait pas très bien pourquoi l’auteure se borne à faire le portrait de l’homme qu’elle aime, qu’elle dévoile de lui les points plus sombres de son caractère, leur bouts de vie entre douceur et prises de tête. Elle eût mieux fait de s’abstenir de livrer cette prose un peu monotone qui ressemble tant à la vie sans anicroche, sans fantaisie de milliers de couples dans le monde. Rien d’exceptionnel donc dans ce qu’elle dit de Lui et de leur vie sentimentale dans ce qu’elle a de léger, doux-amer parfois.
Je ne m’attarderai pas à vous livrer un billet de lecture détaillé puisqu’en fin de compte il n’y a pas grand-chose à dire de ce roman succinct dont il n’émane guère d’émotions.
Quelques élucubrations conjugales sur fond de banalités…
Demain, moi aussi je dessinerai de mes mots l’homme de ma vie mais me garderai bien de vous confier tout ce qui de lui me fait chavirer, ne vous dévoilerai rien de ses trésors… Non, je garderai cloisonné au fond de mon cœur cet écrin de lui…
L’amour, simplement de Nane Beauregard, éd. Joëlle Losfeld
Date de parution : 07/01/2016
Article publié par Catherine le 23 mars 2016 dans la catégorie
vin de table
Autant j’apprécie le chanteur depuis bien longtemps (et c’est ce qui m’a d’ailleurs donné l’envie de découvrir son livre), autant je suis quelque peu dubitative quant à l’univers littéraire de l’auteur Louis Chédid en me plongeant dans son recueil de nouvelles. Seize textes succincts au style rythmé certes mais néanmoins peu exaltant. Des textes non dénués d’humour noir et de cocasserie, certes encore… mais qui ne m’ont guère enthousiasmée.
Ainsi l’auteur s’immisce tour à tour dans la peau d’un homme, d’un chat, d’un tourmenté, d’un disparu, d’un homme qui vit à 100 à l’heure. Il nous invite à le suivre dans ces bouts de vie, nous entraîne dans une promenade jubilatoire, où la mort toujours séjourne en toile de fond…
Et l’auteur se divertit – et il est bien le seul à mon sens – en nous livrant, à travers des mots simples, voire une plume scolaire, des histoires au sentiment de déjà vu, qui se concluent chaque fois par un épilogue imprévu… ou devinés bien avant. D’emblée l’on pense se réjouir de retrouver l’univers de Louis Chédid qu’on lui connaît dans ses chansons, tantôt teinté de drôlerie tantôt de pénombre.
Lesdites nouvelles où s’immiscent amour, férocité et irrationnel s’enchaînent trop vite et laissent le lecteur un peu désabusé car en fin de compte il n’émane pas grand-chose comme morale de ces histoires cousues de fil blanc.
Mais pourquoi donc le chanteur s’est-il fourvoyé en publiant ce recueil de nouvelles sans surprise qui ne laisse pas en mémoire un souvenir fracassant ?
Alors Monsieur Chedid, continuez donc à nous bercer et nous ravir de vos ritournelles et de votre belle musique… « Ainsi soit-il ».
Et puisqu’il faut en arriver au classement de ce livre sur notre site, mon cœur oscille entre un ou deux verres… Après moult réflexions, je lui attribuerai un seul verre.
Des vies et des poussières de Louis Chédid, éd. Calmann-Lévy
Date de parution : 06/01/2016
Article publié par Catherine le 10 mars 2016 dans la catégorie
vin de table
Constance, la trentaine, mène une vie parisienne sans anicroche… L’amour s’est effiloché et, dans l’appartement parisien, l’ambiance devient pesante. Alors qu’elle se rend auprès de l’agence immobilière chargée de la vente de son bien, cette dame oisive voit sa vie changer au quart de tour lorsque, kidnappée par les services secrets français, la voilà chargée d’une mission insolite et hilarante. Alors qu’une rançon est demandée à Louis-Charles, son mari artiste, musicien dénommé Lou Tausk, jadis couronné de succès. Personne ne réagit à cette instance, pas même Hubert, le demi-frère avocat. Personne. Un pli contenant un bout de doigt de Solange ne fait guère plus réagir l’entourage de celle-ci…
Dans la fourgonnette qui emmène Constance se trouvent Victor et deux comparses, Christian et Jean-Pierre. D’abord retenue prisonnière dans une ferme vétuste dans la Creuse, puis dans la cabine d’une éolienne, puis en Corée du Nord et enfin au point de départ, toujours sans que personne ne s’inquiète de sa disparition… Pourquoi ce rapt ?
Et l’auteur de nous entraîner à suivre les péripéties de cette héroïne côtoyant tour à tour une faune de personnages totalement loufoque à l’âme disloquée, eux-mêmes poursuivant leurs aventures comme dans une sorte de feuilleton qui tourne en boucle devant des téléspectateurs à la fois agacés et impatients de connaître très vite l’issue de leur course folle.
L’auteur nous offre un écrin de mots dans une langue française qui frise la perfection, se prend d’un coup pour un auteur policier malgré lui, s’autorisant un récit jubilatoire qui tantôt irrite le lecteur, tantôt le séduit. Car tout ici ressemble quelque peu aux commentaires délivrés par le présentateur d’un journal sur une chaîne TV devant des milliers de téléspectateurs avides de nouvelles à sensations.
Cette histoire qui ne tient pas debout est menée pourtant de main de maître, celle d’un auteur qui joue avec les mots, les fait virevolter, dans un style cadencé qu’il entoure d’humour à profusion. C’est là même que l’auteur sauve cette histoire décalée qui met en pelote les nerfs du lecteur. Car, certes, l’auteur se divertit incontestablement en se mettant dans la peau d’un auteur policier et le lecteur est à la fois énervé par cette histoire improbable et esbaudi par l’usage des mots justes et l’indéniable qualité d’écriture de l’auteur.
Désopilant…
L’on adore ou l’on abhorre. J’ai aimé.
Envoyée spéciale de Jean Echenoz, Les Editions de Minuit
Date de parution : 07/01/2016
Article publié par Catherine le 29 février 2016 dans la catégorie
Grand vin
« On se déteste d’attendre mais c’est moins pénible que l’abandon, que la résignation totale. Voilà : on attend quelqu’un qui ne reviendra probablement pas. »
Tandis que dans une ville au bout du monde où le mari d’Hélène séjourne, se produit un tremblement de terre qui détruit tout, quelque part, ailleurs, Mathieu trouve son appartement entièrement vide et découvre au sol une lettre de rupture. Les voilà en plein désarroi. Au hasard d’un voyage à Lisbonne, Hélène et Mathieu se rencontrent à la réception de l’hôtel où ils séjourneront. Ils sympathisent, puis tout à tour se parlent, s’épanchent, se comprennent, partagent leurs souffrances et essaient tant bien que mal de les apaiser un peu. Tant de questions se posent à présent : comment vivre à nouveau après la perte d’un être aimé ? Comment survivre au manque de l’autre ?
Et alors qu’ils flânent dans les ruelles sinueuses de Lisbonne, la déprime s’installe, larvée mais difficile à chasser des pensées, la saudade imbibe les lieux et les berce d’une douce mélancolie. Mais que cherchent-ils à présent, si ce n’est guérir un peu et se tourner vers la vie qui revient petit à petit ?
Car la saudade, n’est-ce pas tout simplement un retour à la quiétude et non un renoncement ?
L’auteur livre ici encore un récit nimbé de nostalgie, sans jamais toutefois tomber dans le pathos et les versets larmoyants. Il nous convainc que derrière la douleur il y a toujours cet instinct de survie qui nous tient debout et en toile de fond de la mort ou du manque, séjournent l’espoir et la volonté d’avancer, de ne pas fléchir.
Ainsi, entre deux âmes en perdition, l’une endeuillée et l’autre quittée, va naître une complicité très forte, inattendue. Renaissance d’un amour ? Pas sûr… De ce duo improbable, l’on ne sait pas grand-chose… L’écriture est pudique, toute en émotion et délicatesse. Et le message qui s’immisce entre les lignes est tout rempli d’espérance.
De ce récit grave et tragique, l’on sort pourtant réconforté…
Les passants de Lisbonne de Philippe Besson, éd. Julliard
Date de parution : 07/01/2016
Article publié par Catherine le 22 février 2016 dans la catégorie
Grand vin