« Je caresse les chats que je croise, avec eux, je m’entends bien, et aussi avec les vaches, les chèvres, les ânes et les chiens. Ce ne sont que les humains qui ont du mal avec moi, je le sais bien. »
…
« Je suis une félinofille farouche, je suis un gros chat humain qui aime la nature, la nuit et le brouillard. »
Alma se remémore la douce Emma qui lui avait donné le joli surnom de « mon chat », tandis que d’autres la traitaient avec mépris de « gros matou » parce qu’elle est potelée et menue. Car Alma est gourmande et aime préparer de bons petits plats. Orpheline, une « enfant trouvée », elle s’était attachée à Emma et Pierre, qu’elle considérait un peu comme ses parents adoptifs, sans jamais pourtant le leur avouer. Elle les trouvait attentifs et tendres avec elle alors qu’elle n’avait connu jusqu’ores que des gens qui la jugeaient, la cataloguaient de « spéciale », de « différente ». Pierre a disparu il y a un an. C’est Emma qui l’avait trouvé mort et avait pris en charge ses obsèques. Peu de temps après, Emma l’avait rejoint dans sa dernière demeure…
Dans sa désespérance et sa solitude, Alma partageait sa vie avec sa poupée Camomille, Pierrot-le-Rouquin, le matou de Pierre, et « sa nouvelle copine », une petite chatte grise qu’elle avait baptisée Émeline. Claquemurée dans son silence et sa thébaïde, elle ne sort que pour se promener avec ses amis de fortune et se rendre au village pour travailler au restaurant.
Intriguée par une silhouette et de longs cheveux qui allait et venait derrière la fenêtre de la maison de Pierre, Alma épie sa nouvelle voisine. Va-t-elle peut-être s’en faire une nouvelle amie, elle qui entretenait une grande méfiance à l’égard des inconnus ?
Je me suis régalée de cette courte nouvelle. Succincte par le nombre de mots mais immense par les émotions et les messages qu’elle donne au-delà des mots. Au fil des 40 pages, l’on est bercé par l’atmosphère douce-amère de cette histoire et nos pas nous guideront vers une fin inattendue…
Un plaisir de lecture ne pouvait donc qu’être partagé ici, dans l’univers de notre blog.
Un ravissement…
La griffe de Verena Hanf, éd. Lamiroy
Article publié par Catherine le 23 janvier 2021 dans la catégorie
Grand vin
Nous sommes en 1959 dans la jolie ville balnéaire de Brighton. Au cœur de l’été, la station brille de mille feux. Un spectacle de variétés s’est installé qui met du baume au cœur et de la magie dans l’âme des estivants. Cela faisait bien longtemps que les vacanciers n’avaient plus connu de tel spectacle remarquable. Sur les planches du célèbre théâtre se produisent chaque soir Jack Robins, Ronnie Deane et Evie White.
Ce trio hors pair offre aux vacanciers en quête de détente et d’émerveillement un spectacle inédit. Derrière le rideau, ils deviennent Jack Robinson, coquin maître de cérémonie, Pablo le magicien merveilleux, et Eve, sublime assistante au costume étincelant. Très vite, la troupe se retrouve en tête d’affiche. Et les comédiens ne brillent pas uniquement sur scène… Au cours de l’été, les deux amis tomberont l’un et l’autre amoureux d’Evie. Un jeu dangereux…
Tour à tour, le récit parle de l’enfance de Ronnie, de sa nouvelle famille en temps de guerre, de l’été 1959 à Brighton, sous un ciel tantôt désolé, tantôt doucement ensoleillé, des rêveries offertes par le magicien et de son Evie, des émois d’antan qu’a suscité cette jolie assistante, à présent devenue une vieille dame traînant comme un boulet son isolement et sa désespérance.
Et l’auteur s’attarde sur le rôle de Jack, le maître de cérémonie. Jack le polisson, qui a mis Ronnie et sa jolie assistante dans les bras l’un de l’autre. Dans ce flot d’étincelles, le lecteur observe du coin de l’œil les manœuvres de charme utilisées par le magicien pour attiser la jeune femme. Mais ces fiançailles qui s’ourdissent vont mettre en péril la stabilité du trio de comédiens. Le choix d’une vie fait parfois basculer le cours de destinées qui s’accordaient jusqu’ores.
En un tour de piste, l’auteur met en lumière des bouts de l’histoire d’une époque révolue, d’une villégiature huppée, sans toutefois n’en relater que des bribes, en délaissant soigneusement certaines précisions et se bornant à livrer les grandes lignes et les ambiances que l’on ne ressent que dans les coulisses. Même si d’aucuns se désoleront peut-être de n’avoir plus de détails, plus de longues descriptions des atmosphères et des lieux croisés, cela ne m’a guère gênée le moins du monde. Peut-être l’auteur a-t-il voulu laisser au lecteur libre court à son imagination pour combler les interstices selon ses ressentis. Pour ma part, je me suis laissée bercer par le rythme soutenu et la plume magistrale de l’auteur et ai trouvé dans cet opus toute la magie attendue et un grand plaisir de lecture.
Le « so British » Graham Swift nous captive et nous entraîne dans une histoire d’amour douce-amère.
À lire sans attendre…
Le grand jeu de Graham Swift, éd. Gallimard
Date de parution : 7 janvier 2021
Article publié par Catherine le 10 janvier 2021 dans la catégorie
Grand vin
Rose, 40 ans, débarque à Kyoto au Japon pour lire le testament et la lettre posthume laissés à son intention par un père disparu qu’elle n’a jamais connu. Elle rencontre Paul, l’assistant de feu ce père marchand d’art contemporain. De temples en jardins, il l’emmènera faire une balade instructive et enivrante. Et Rose qui est botaniste s’émerveille de la beauté de la nature japonaise et se laisse emporter par la sérénité et la magie des lieux croisés.
S’ensuivra une véritable transition de la Française vers un monde onirique si loin de son quotidien à mille lieues de là-bas. Tandis qu’elle savoure ce périple délicieux, Rose se remet en question, redessine les contours de sa pensée, reconstruit petit à petit chaque aspect de sa personnalité, jusqu’à évacuer les reliquats de ses colères enfouies, remue les tréfonds de son âme sombre et chaotique pour n’en garder que les parcelles baignées de sensibilité et de délicatesse.
Le récit s’écoule vaille que vaille, telle une rivière qui serpente à travers un terrain plat de verdure sans que la moindre brise ne vienne perturber le clapotis de l’eau ni ne fasse frémir les feuilles des arbres. L’atmosphère est à la quiétude et tout frémissement ou éclat de voix ne seraient que pure mesquinerie… Une sérénité japonaise pourrait-on affirmer. Car il n’est d’autres pays qui connaissent cette philosophie de vie, cet esthétisme, cette béatitude. Il faut être Japonais pour goûter à cette résonance, cette philosophie et il faut être Japonais pour en relater les bienfaits, en décrire les stigmates qu’ils laissent dans l’âme égarée, déstabilisée par un mode de vie de tumultes et de chagrin.
De ce roman, il n’émane guère de ces émotions et de toute cette subtilité et cette élégance rendues par la littérature japonaise. Certes l’on retrouve des fragments de poésie qui doucement s’immiscent entre les lignes, mais la fantaisie et la fougue font cruellement défaut, laissant un peu le lecteur sur sa fin puisque rien ne le scotche au récit. Dommage de n’avoir pas assez donné à cette histoire le petit grain de folie et le soubresaut d’émois désespérément absents.
D’aucuns seront sans doute plus enthousiastes que moi par la plume, très belle j’en conviens, et l’histoire douce-amère de cette Française égarée malgré elle aux antipodes. Pour ma part, je ne garderai de ce roman qu’un souvenir fugace…
Une rose seule de Muriel Barbery, éd. Actes Sud
Date de parution : 1 août 2020
Article publié par Catherine le 6 novembre 2020 dans la catégorie
vin de table
Au pavillon des rochers, une bâtisse défraîchie aux parfums d’autrefois, vit une fratrie peu commune. Le beau et ténébreux Serge, la sensuelle Nathalie qui porte le surnom de Taïné et le benjamin Alexis. Serge et Taïné forment un duo courtois, complice, un peu incestueux aussi…
Ce petit monde insolite semble végéter au gré du temps dans une douce oisiveté. Jusqu’au jour où l’aîné, victime d’un accident de voiture, décède en laissant derrière lui Taïné anéantie et les lendemains qui suivent s’entourent d’une mélancolie insurmontable. À peine le prince Serge s’en est allé que l’équilibre de la famille est rompu. Taïné, défigurée s’envole vers New York pour y trouver de nouveaux horizons, un visage reconstruit d’abord mais aussi un nouvel entourage, en intégrant la Factory d’Andy Warhol. Tandis qu’Alexis livré à lui-même, nourrit ses perversités et se lie avec le déloyal et fourbe Donatien, et se lance à la conquête du monde littéraire. Il fera en outre la rencontre de Paul Morand et d’Aragon.
Bien que le l’infâme et l’abject séjournent dans leurs rencontres respectives, une infinie tendresse unit le frère et la sœur et, dans ce monde insensé excitant, ils se serrent les coudes pour avancer à tout prix. Car ils font partie d’une communauté de démons magnifiques que l’on rêve d’approcher. Pendant que Taïné croise Truman Capote, intègre la bande d’Andy Warhol, Alexis baguenaude auprès de Donatien, l’ami maléfique de la famille qui se targue d’avoir parmi ses amis quelques personnalités comme Louis Aragon, Elsa Triolet et Laure de Noailles, au milieu d’un Saint-Germain-de Prés coquin et frivole. Dans cet univers où se côtoient drogue, plaisir, débauche, on chancèle et dégringole vers une nouvelle ère où le pop art, l’excentricité et les errances nocturnes dans des lieux glauques sont monnaie courante. Le tout sur fond de printemps 67 et de Guerre du Vietnam.
Un roman métaphorique où se côtoient le suspense doux-amer et l’enchantement. On se laisse porter par certains passages poétiques, les atmosphères qui exhalent l’alcool et la drogue. En revanche, les personnages sont lisses, dénués d’émotions. Le rythme de l’histoire s’essouffle rapidement et malgré une plume esthétique et limpide, l’auteur ne donne à ses héros ni sympathie ni reconnaissance. Ceux-ci se bornent à vivoter, promener leur langueur, entretenir leur perdition.
Chronique d’une désuétude annoncée… À lire peut-être, ou pas…
Les démons, de Simon Liberati, éd. Stock
Date de parution : 26 août 2020
Article publié par Catherine le 13 octobre 2020 dans la catégorie
Cru bourgeois
Alors que la France, en plein chaos, s’enflamme d’ires et de désespoirs, Geoffroy, treize ans, vit dans un monde irréel construit de chiffres de couleurs. Sa candeur et ses « différences » émeuvent son entourage. Pierre, son papa, un homme survolté, bourru et agressif n’arrive pas à communiquer avec lui et sa mère, Louise, infirmière aux soins palliatifs, un puits de douceur et de délicatesse le réconforte et le soutient. Et puis il y la jeune et séduisante Djamila, troublée par la naïveté de Geoffroy, qu’elle identifie à un personnage de conte de fée.
Tandis que la France se rebelle et s’enrage, ne connait que les désirs effrénés et les tumultes, un garçon se nourrit d’espoir en imaginant des lendemains d’amour de couleurs chatoyantes d’orange et d’azur. Et s’il suffisait d’un gamin un peu différent, un peu rêveur pour que ressuscite un monde d’amour et d’espoir. Alors, peut-être, comme l’écrit Aragon, « un jour viendra couleur d’orange (…)
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront. »
À travers une plume frénétique et délicate à la fois, l’auteur nous dépeint un monde de désespérance et de révoltes, un peu au pas de course, sans octroyer au lecteur quelque réflexion ou méditation.
Les héros de cette histoire humaine ont tous quelque chose d’attachant. Ainsi, même Pierre, le gilet jaune, sous des dehors querelleurs, est désabusé par une vie de misère et se désole que des politiciens véreux et nantis se baladent au volant de voitures hors de prix, alors que les revenus de courageux travailleurs ne leur permettent pas de vivre jusqu’à la fin du mois, les laissant souvent exsangues et sans le sou…
Un pamphlet social, certes bien écrit, mais qui laisse toutefois le lecteur un peu dubitatif, peu convaincu. L’auteur se hâte un peu trop pour balayer des thématiques assez lourdes, graves, qui mériteraient de s’y attarder et appellent de plus longues réflexions. La société d’aujourd’hui dans tout ce qu’elle a de douloureux, de misérable, de tragique, que seul l’Amour peut sauver. Dans ce huis clos humain, chacun y va de son mieux pour que les lendemains s’éclaircissent et, qui sait, d’aucuns se retrouveront sous le dais ensoleillé vaquant à leurs tâches le cœur plein d’entrain. Les protagonistes de cette sage humaine ne m’ont guère émue, hormis Louise, infirmière grand cœur, à la sensibilité exacerbée et le petit Geoffroy, plongé dans un monde onirique et parsemé d’étoiles.
À lire, pour la plume certes très belle. Puis, pour le reste, l’oublier peut-être…
Un jour viendra couleur d’orange, de Grégoire Delacourt, éd. Grasset
Date de parution : 19 août 2020
Article publié par Catherine le 16 septembre 2020 dans la catégorie
Cru bourgeois
Quatre frères et sœurs issus du Gour Noir sont liés entre eux par la loyauté et une fidélité sans failles. Dans une vallée au millieu de nulle part, au creux de majestueuses montagnes peu fréquentées et mystérieuses, ils travaillent pour Joyce, le riche propriétaire de la centrale, du barrage et des carrières, un personnage antipathique et peu avenant, dont le seul mérite peut-être est de donner du travail à tout le monde.
Tandis que Marc s’échappe souvent pour lire en cachette, Matthieu reconnaît aux arbres des vertus apaisantes et magiques, jusqu’à les imaginer capables de penser, et la délicieuse Mabel promène sa beauté farouche et envoûtante. Et puis il y a Luc, enfant émouvant, qui parle aux grenouilles, aux cerfs, aux oiseaux et nourrit le rêve de se mêler à eux un jour.
Dans cette ambiance pesante et hostile, la fratrie très soudée mène une vie austère, de labeur et de courage, fuyant à tout prix la peur, le rejet, la médiocrité de l’espèce humaine. Chacun y va de ses passions et c’est sans nul doute cela qui les tient debout. Vaille que vaille, ce petit monde finit par trouver dans la poussière quelques liserés d’or, dans la crasse çà et là des arômes d’humus et de verdure, dans la laideur quelque charme. Et dans cette fresque lugubre et sale, s’immisce même des bribes de poésie. C’est avec une écriture magistrale que l’auteur distille entre les lignes la délicatesse et le merveilleux, alors que le décor est plutôt sombre et déprimant…
À côté de cela, il pose les questions essentielles qui traitent de l’avenir bancal des travailleurs, de la position des femmes, de la nécessité de se rapprocher de la nature, des relations humaines complexes et alambiquées.
Avec une plume élégante et charmeuse, l’auteur nous emporte dans les tréfonds de la légende du Gour Noir, féérique et intrigante. Il nous livre un conte au parfum d’allégorie et de métaphore.
À découvrir sans tarder…
Buveurs de vent de Franck Bouysse, éd. Albin Michel
Date de parution : 19 août 2020
Article publié par Catherine le 27 août 2020 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
« C’est une fille » avait-on annoncé aux parents avec enthousiasme… En 1959 naissait Laurence dans cette famille bourgeoise de Rouen. Un père médecin et une mère au foyer lui font comprendre rapidement que les filles n’occupent pas la même place dans la société, que quoi qu’elles fassent, elles demeureront toujours inférieures à la gent masculine. Et cette vision des choses va perdurer à l’école, au cours de danse, à la bibliothèque, partout les garçons s’inscrivent en modèles dominants. Laurence grandit avec sa sœur et lorsque l’on interroge leur père pour savoir s’il a des enfants, il répond d’un ton méprisant que oui il a deux filles mais c’eût été plus rassurant d’avoir un fils plutôt que deux garces… Ite missa est…
Peu à peu Laurence Barraqué se désole d’être affublée de quolibets, de propos injurieux et se demande comment tracer son chemin sous le joug du pouvoir masculin qui la rabaisse au rang des êtres fragiles et sans avenir. Elle s’accroche, s’acharne tant bien que mal même si l’épée de Damoclès toujours présente lui fait de l’ombre.
Pas facile dans les années 60 que de se faire une place dans un monde où l’homme brille et s’impose. En 1990, Laurence est mère à son tour, d’une fille, à qui elle doit apprendre à se frayer une trajectoire dans les méandres d’une société qui dénigre la femme et lui impose de se battre contre des moulins à vent sans espérer la reconnaissance et le respect, même si à cette époque on sent poindre déjà un changement quant à la condition féminine.
L’auteure dessine avec beaucoup de délicatesse le portrait bafoué des femmes à l’aube des années 60 et les renversements intervenus jusqu’à ce jour.
J’ai regretté que le roman traite essentiellement de cette thématique, donnant à celui-ci un caractère un peu braqué contre l’homme dans l’absolu, même si l’on conçoit que nous sommes à mille lieues de l’esprit étriqué des années 60. Ne nous bornons pas à camper sur les idées véhiculées par ces années de transition, mais accrochons-nous à celles qu’aujourd’hui, l’homme et la femme sont complémentaires à bien des égards…
Fille, de Camille Laurens, éd. Gallimard
Date de parution : 20/8/2020
Article publié par Catherine le 4 août 2020 dans la catégorie
Cru bourgeois
Qu’a-t-elle bien pu trouver à cet homme vieilli et affaibli ? Solène, rebaptisée Cunégonde, a vécu sept ans avec un cinéaste de presque le double de son âge. Un jour, elle le quitte et s’envole pour New York, laissant son amoureux transi face au gouffre de la solitude. L’homme, en pleine perdition, n’a plus foi en rien et se pose moult questions sur le sens de sa vie. Le glas a sonné dans le cœur de cet homme déjà amoindri et, outre la perte de son amour, c’est sa vie tout entière qui bascule… Il ne s’intéresse plus guère à l’art, à son métier. Dans les rues de Paris, il déambule, noie son chagrin, et se remémore le film de leur histoire d’amour.
D’instants intenses en zones d’ombre, une histoire d’amour qui roucoule sous le dais d’un ciel désolé et qui finit en tragédie. L’auteur nous dessine les contours ornés d’or puis teintés de noir charbonneux d’un amour grandiose qui s’essouffle de n’être partagé. Ainsi, le cinéaste déchu qui avait déjà perdu l’inspiration se retrouve à genoux, le cœur meurtri et cette rupture qui le condamne dans tout ce qui lui reste de fragments de vie, son œuvre de cinéaste et sa passion pour l’art.
Le récit démarre lentement, ronronne même jusqu’à nous plonger dans une sorte de torpeur, mais la plume délicate et gracieuse sauve un peu de l’engourdissement généré par la succession des chapitres où il ne se passe pas grand-chose et l’on se laisse porter par cette romance douce-amère imbibée d’émotion, certes. Sur un cours d’eau au clapotis discret, l’auteur conduit ses deux héros jusqu’à une cascade impétueuse, celle qui fait culbuter la barque des deux protagonistes jusqu’à l’inévitable noyade. Et après ce regrettable naufrage, l’homme d’âge mur fait le constat fatal que la différence d’âge, même si elle donnait à chacun des atouts sérieux, aura eu raison de leur histoire d’amour, mais laisse des souvenirs indélébiles que l’amoureux déchu n’aurait jamais imaginés.
L’auteur, cinéaste auparavant – l’on se souviendra de Diva et 37°2 le matin – évoque de façon un peu désabusée ce qui le passionne, la beauté des femmes, le fanatisme du créateur et la course contre le temps, cruelle et inhumaine.
Une belle croisière sur un océan d’azur et de sérénité qui tourne à l’orage et la tempête…
Toboggan, par Jean-Jacques Beineix
Date de parution : 20 février 2020
Article publié par Catherine le 28 avril 2020 dans la catégorie
Cru bourgeois