vin de table

Colonie – Frédérique Clémençon

Léonce n’est plus ce petit garçon de huit ans, secret et craintif, qui a vu partir son père, cédant aux attraits de la vie coloniale, un jour d’hiver, Il s’imaginait y faire facilement fortune, sur les traces de Brazza ou de Stanley, c’est à tout le moins ce que lui avait promis Toinet, le notaire, comme il lui avait certifié qu’il reviendrait bientôt, fortune faite, évidemment puisqu’il ne pouvait en être autrement… Léonce vit maintenant, soixante ans après, avec sa vielle mère, dans cette grande maison triste coincée maintenant entre la rivière et la route nationale et les nouveaux lotissements… C’est mieux pour elle que la maison de retraite, autant dire le mouroir, mais quand même, cela aurait pu être autrement!

Aux yeux de son père, l’enfant n’était pas autre chose qu’un petit être insignifiant, transparent, qui ne méritait même pas qu’on s’intéressât à lui qui serait donc mis en pension, pour l’endurcir et le préparer à la vie… Le père est donc parti, seul, abandonnant sa femme qu’il n’aimait pas vraiment, son poste de directeur à l’usine de son beau-père, ses beaux-parents qui avaient fait sa fortune et avec qui il vivait dans cette maison pourtant agréable et ce décor de province qu’il ne supportait plus… Il avait fait des promesse de réussite et renouvelait souvent par lettre son intention de les faire tous venir en Afrique, auprès de lui, mais…

Léonce est vieux maintenant, mais il évoque la façon dont son père est arrivé, un peu par hasard dans cette maison, accompagné et invité par celui qui allait être son grand-père. Il se remémore la façon un peu cavalière et sans grande élégance, avec laquelle il s’est établi dans cette famille et en a séduit la fille. Ce mariage s’est donc fait, à cause de la promesse d’un enfant à naître, Léonce, mais il n’a jamais été heureux! Son père s’est révélé être une sorte d’écornifleur, mais aussi un ingrat, abandonnant tout ce petit monde pour entreprendre cette aventure africaine, parce que dans les années 192O il y avait ce rêve suscité par l’Empire français et les encouragements du notaire Toinet qui lui prêta aussi quelque argent. Mais cette escapade exotique a rapidement tourné au cauchemar et les rêves d’aventure et de réussite sociale de ce père se sont vite transformés en quotidien bureaucratique, pratiques douteuses et risques inconsidérés qui finirent par lui couter la vie. Pour Léonce et sa mère, ce fut aussi la ruine…

C’est donc l’histoire d’une fuite, d’une recherche vaine de quelque chose d’inaccessible, faite de souvenirs tristes, dans un décor décrépis face à la réussite des autres… L’épilogue surprend un peu.

J’ai lu ce roman jusqu’à la fin, un peu par goût, un peu par curiosité. Le style en est agréable mais Frédérique Clémençon fait des phrases un peu longues, ce qui ne favorise pas la lecture.

Colonie – Frédérique Clémençon. Éditions de Minuit.

Article publié le 3 juin 2010 dans la catégorie vin de table
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Cru bourgeois

Le noeud de l’intrigue – Daniel Fattore

Daniel Fattore est bien connu pour son site littéraire. Mais il est aussi auteur de nouvelles, et depuis fort longtemps !

Comment définir les textes de ce recueil ? Je dirais qu’il s’agit de brèves de comptoir, avec un traitement littéraire. Des anecdotes, de l’humour plus ou moins glauque, à boire et à manger, le tout avec une rigueur d’écriture.
Qu’en penser ? Le style est assez personnel. Une certaine précision dans les descriptions, une syntaxe impeccable. Et un ton gouailleur parfois un rien excessif… Fattore a eu le soucis du détail. Une bière n’est pas un simple liquide jaune qui ne se distingue en rien de l’urine de jument, c’est une Blanche de Bruges. Un whisky, c’est du Teacher’s. Du coup je me suis rappelé cette soirée en Angleterre il y a quinze ans. Et ce concours de potache, où on se revoit sur les bancs de l’école… le cahier est un Clairefontaine,  le livre que le prof lit, ce n’est pas n’importe quoi, c’est le Matin des Magiciens. Les personnages sont réalistes mais pourraient être plus touchants, à mon goût. Les nouvelles se terminent parfois de façon surprenante, en points de suspension, et il m’est arrivé de me dire : où est-ce que Fattorius veut en venir ? Mais au lecteur d’imaginer la suite…

En conclusion, pour un premier c’est une réussite. On sent l’homme de lettres derrière, lecteur et traducteur. Textes à lire, à boire… De la ripaille, des aventures, jamais on ne s’ennuie. Des bouts de textes retrouvés dans des fonds de tiroir, sans prétention. Une lecture agréable dans l’ensemble.

Le noeud de l’intrigue – Daniel Fattore. Editions de la Plume noire.

Article publié par Noann le 2 juin 2010 dans la catégorie Cru bourgeois
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Comestible ?

Vole avec moi – Richard Bach

Richard Bach est l’auteur de “Jonathan Livingston…”, tiré à 40 millions d’exemplaires, propulsé par le cinéma et la bande musicale de Neil Diamond. Suite à ce fulgurant succès, Richard, malgré son prénom, a été ruiné par des financiers véreux, ce qu’il raconte dans le très beau livre “un pont sur l’infini”. 50 ans plus tard, que devient-il ?

“Vole avec moi” est l’histoire d’un aviateur qui rencontre deux hypnotiseurs, grâce à qui il va découvrir “la vérité”, de son moi supérieur à l’univers de 36 dimensions. Richard nous donne par le biais de ses personnages de nombreuses leçons de philosophie. Toutefois, je soupçonne qu’il se soit inspiré de Ron Hubbard et de Raël (le demi-frère de Jésus)

Extraits  :

“La règle n°1 de la vie dans l’espace-temps est évidente : il faut croire à l’espace-temps”

“…l’hypnotiseur avait usé de son entrainement pour se déshypnotiser de la Conscience conditionnée, des milliards de suggestions qu’il avait acceptées…”

“Nous sommes des points de mire de la conscience, immensément créatifs. Lorsque nous pénétrons dans l’arène autobâtie que nous appelons espace-temps, nous nous mettons instantanément à générer des particules de créativité, nommées imajons, dans un déluge pyrotechnique ininterrompu”

Conclusions : Que de concepts innovants ! Mais un peu ardu pour mon esprit fatigué de lutter contre ses ions négatifs poussés par la force invisible de  leur pouvoir suggestif. Finalement, je suis désemparé, j’ai voyagé dans l’espace-temps à X dimensions et je me suis perdu, j’ai dévalé les escaliers de la pensée, je suis tombé et j’ai eu du mal à remonter. Déboussolé. Au secours ! Faites-moi revenir dans l’espace-temps du présent !

Mon avis : cette suite de leçons de philosophie ésotérique manque un peu d’argumentation. Mon cerveau cartésien, même en phase de ressourcement  bêta-positif, n’a pas apprécié.

Vole avec moi – Richard Bach. Éditions Flammarion

Article publié par Yves Rogne le 2 juin 2010 dans la catégorie Comestible ?
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Premier Grand Cru Classé

Je n’ai pas dansé depuis longtemps – Hugo Boris

Il ne s’est laissé que le temps d’un baiser pour sa femme et ses fils, puis il est parti, direction le cosmos …

Ivan, médecin, père de deux enfants a été choisi pour un voyage en orbite autour de la terre durant 400 jours. Et il se vante, houspille son entourage, se montre empressé.

Ce voyage dans l’espace va lui ouvrir les yeux sur les valeurs qu’il avait négligées et lui donnera une leçon d’humilité.

Nous voici donc embarqués aux côtés d’Ivan et l’on suit pas à pas les pérégrinations de ce personnage qui a toute notre sympathie. Depuis l’adieu déchirant à la famille, l’embarquement, la vie à bord, jusqu’au retour sur Terre, tout est livré avec une vérité étonnante.

On se laisse entraîner dans un huis clos oppressant mais l’on ne s’ennuie jamais. L’auteur donne tant de relief à des événements simples qui s’enchaînent jusqu’à la dernière page que les 400 jours rythmés par les épreuves, les tensions, les moments de fous rires passent en fin de compte très vite …

Les dernières pages – le retour sur Terre – sont un pur florilège … On partage avec Ivan la redécouverte des parfums que la Terre exhale, la joie d’être debout sur un soubassement solide, loin de cet univers poudreux et désolé …

Je n’ai pas dansé depuis longtemps – Hugo Boris. Editions Belfond

Article publié par Catherine le 31 mai 2010 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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Grand vin

Les Chaussures italiennes – Henning Mankell

Henning Mankell est un auteur suédois, spécialisé dans le polar, qui passe une partie de sa vie au Mozambique et a écrit de nombreux textes sur l’Afrique. On se serait attendu pour son dernier titre, “les Chaussures italiennes”,  à une histoire mouvementée et chaleureuse. Oh surprise ! Mankell installe son récit dans un bled perdu, une île à trois nautical miles au large de la Suède. Pas un voisin à des kilomètres. -25 °C. Rien de bien folichon a priori. Je me suis dit:  340 pages sur ce trou perdu, on va s’ennuyer ferme. Le personnage principal, médecin de 66 ans désabusé, vit reclus après avoir commis une erreur médicale. Alors il ressasse.

Chaque matin, le sexagénaire creuse un trou dans la glace et s’y enfouit complètement nu. Drôle de pratique, même pour un Suédois. Et un jour, une vieille amante délaissée débarque, 37 ans après, transie de froid. Décidément, ce peuple est original ! Elle lui remémore une promesse faite quand il avait dix ans et lui demande de la respecter. En passant elle lui révèlera un secret…

les chaussures italiennesNous sommes ici clairement dans le roman nordique, lent et figé comme l’hiver boréal. Mais la froideur n’est qu’apparente. Ce récit est d’une profondeur insondable et les personnages sont attachants. Quand ils écrivent, les gens du Nord vous pondent des chapitres à n’en plus finir sur leur existence paisible, mais c’est riche et aussi chaleureux qu’une soirée à Ibiza, le calme en plus.

Ce conte philosophique est émouvant. En revanche, on pourrait être lassé par le ton un peu monotone et introspectif. Le style à mon avis aurait pu avoir plus de caractère. Il n’échappe pas au côté un rien formaté et scolaire de la traduction, peut-être trop littérale ? J’ai cru deviner les résidus de l’influence germanique sur la langue suédoise, un peu comme cette rigueur et cette géométrie qui se ressentent parfois dans les livres traduits de l’allemand.

Les Chaussures italiennes – Henning Mankell – Le Seuil

Article publié par Noann le 29 mai 2010 dans la catégorie Grand vin
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Grand vin

Esprit chien – Luc Lang

Dante Buzzati aurait dû vendre cette bâtisse, héritage de ses parents … Il ne cède pas aux avances des promoteurs et se laisse embobiner par Anne-Laure, sa jolie voisine snobinarde et son couple de lévriers afghans. Elle l’entraîne dans un projet inattendu : une association qui diffusera une médecine révolutionnaire assaisonnée de médiation, de musique, une approche freudienne dont le but est de réconcilier les chiens et leurs maîtres … En échange de nuits torrides avec Anne-Laure, Dante se laisse embarquer dans cette affaire mais dispose d’un moyen de pression efficace : quand Anne-Laure le néglige, il dispense des laxatifs à ses lévriers…

L’auteur nous livre une fable noire qui assaille et mord à travers des mots mouillés d’acide, livrés en rafales, une société superficielle, inspirée par la publicité et tout ce qui brille en surface. Il construit un monde loufoque démontrant le vide abyssal de cette société en perdition qui n’a d’autre repère que celui de paraître, d’avoir, de montrer, mais qui sonne creux à l’intérieur …

Un récit tissé de drôlerie et de culot qui fera « aboyer » et rire plus d’un lecteur. D’un bout à l’autre du roman, on n’échappe pas à la frénésie rigolarde et au cynisme de l’auteur et l’on suit le héros, fils d’ouvrier, au milieu de ces parvenus qu’il abhorre, ce monde doré et factice qui ne lui inspire que du mépris. Alors quand ces artifices et cette inhumanité se personnifient en une voisine sexuellement irrésistible, le héros tergiverse …

Esprit chien – Luc Lang, Stock

Article publié par Catherine le 24 mai 2010 dans la catégorie Grand vin
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Grand vin

L’amour est un fleuve de Sibérie – Jean-Pierre Milovanoff

Qu’est ce qui pose question à un homme, Silvio, qui est le fils d’une mère célibataire, dont «  le regard suggère l’étreinte et l’amour flou comme une absinthe », et qui n’a jamais connu son père? Le fait qu’elle ait tenu seule et pendant longtemps un café-hôtel au bord de la méditerranée et qu’elle ait été entourée d’hommes et de clients rajoute au mystère. Ce petit garçon féru de baby-foot et de blues a grandi, il est devenu le gardien du camping municipal et se souvient que, avant que l’hôtel ne soit démoli pour laisser la place à un port de plaisance, il était heureux avec cette femme comme on l’est, en principe, au cours de son enfance!

Était-ce ce pauvre play-boy un peu camé de Johnnie Wood qui cachait son vrai nom français de Jonas Dubois sous des accoutrements ringards, des voitures excentriques, des airs de guitariste, un accent de l’Alabama, une voix de canard en caoutchouc? Un véritable mensonge, un minable chanteur, riche cependant, déguisé en mauvaise bête de scène… Il finit par disparaître en laissant au garçon un vélo moteur et le goût des disques de blues!

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Article publié le 22 mai 2010 dans la catégorie Grand vin
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Grand vin

Le regardeur – Thomas Farber

Il a une quarantaine d’années et est écrivain. Elle est jeune, magnifique, étudiante en histoire de l’art et mariée. Ils tombent amoureux. L’écrivain raconte leurs rendez-vous, un monde totalement recomposé, sans mari, sans contraintes matérielles où ils partagent leur passion de l’art, de l’écriture, et leur vision fulgurante de l’amour. Mais leur liaison tourne rapidement à l’obsession, une obsession due au désir de posséder l’autre ou à la peur de le perdre, créant au fil du texte une tension très forte …

regardeurUn récit qui touchera les amateurs d’histoires aussi délassantes qu’une balade en bateau mouche ou un pique-nique en pleine nature. Certes … mais cette douce promenade à travers des mots élégants se change en une balade érotique où s’enchaînent les mots égrillards, violents. Cette crudité avec laquelle l’auteur démasque l’amour saisit très vite.

Et ce « regardeur » intrigue, désarme … On se trouve embarqué par la puissance des scènes et les dialogues qui sonnent fort mais juste. Le lecteur devient alors le regardeur en se nichant dans les coulisses de la passion interdite. L’amante, mariée accorde la clandestinité et la fidélité sur une même gamme. Pari impossible ? Illusion ?

Les glissements progressifs et les ruses de la séduction explosent …

L’auteur décrit la mécanique du désir qui conduit au vertige obsessionnel et plonge le lecteur dans ce climat où l’aspect tragique fait défaut, rendant celui-ci fébrile et accroché à cette effusion d’émois.

Touchant, fort …

Le regardeur – Thomas Farber, Editions Joëlle Losfeld

Article publié par Catherine le 16 mai 2010 dans la catégorie Grand vin
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Dessin de Jordi Viusà. Conçu par Noann Lyne